C'est un médecin généraliste dont les adversaires en mêlée redoutent le contact avec la même appréhension qu'un rendez-vous chez le dentiste. Avec ses 121 kilos répartis sur 1m88, le Dr Jannie du Plessis est aussi attaché aux maillots des Springboks (il compte 70 sélections) et du Montpellier Hérault Rugby (MHR) qu'au serment d'Hippocrate. Ainsi, le Dr du Plessis, diplômé de l'université de Free State située à Bloemfontein, au centre du pays, a mené de front études et carrière de médecin, notamment au sein de l'armée à Durban, et de rugbyman professionnel de 2005 à 2014. Un fait rare à l'ère du rugby professionnel.
Aujourd'hui pilier droit du MHR, ½ finaliste du Top 14 le week-end prochain face au RC Toulon, et vainqueur cette saison du Challenge européen, le Dr du Plessis ne pratique pas la médecine en France. Il demeure en revanche d'ailleurs celui vers lequel se tournent ses compatriotes sud-africains – ils sont 15 à évoluer au MHR – en cas de coup dur ou d'interrogations. Ainsi, ils l'appellent « Dr Google ». « Jannie sait tout sur tout. C'est le mec le plus cultivé que je connaisse. Vu qu'il est médecin, il arrive que quelques-uns, mais pas moi bien sûr (rires), l'appellent en douce pour savoir s'il faut parler ou non au médecin de l'équipe d'une petite douleur… », justifie Wiaan Liebenberg, son coéquipier et compatriote Sud-africain.
« Ça arrive assez souvent en fait », confie le Dr du Plessis qui, secret médical oblige, n'en dira pas davantage sinon que « la blessure étant la pire chose qui puisse arriver à un joueur, il est compréhensible d'avoir une appréhension à ce sujet ».
« Par le grâce de Dieu... »
Âgé de 33 ans, le Dr du Plessis dégage une aura indéniable sur ses coéquipiers, notamment sud-africains, tant par son expérience rugbystique que par sa formation médicale. Pourtant Jannie du Plessis dit ne jamais avoir pensé possible de pouvoir cumuler ses deux passions. « C'est arrivé par la grâce de Dieu », explique ce protestant natif… de Bethlehem en Afrique du Sud. « Quand j'étais universitaire, j'avais un bon niveau mais c'est sur le tard que mon niveau s'est révélé supérieur. J'étais en 3e ou 4e année quand le rugby a commencé à devenir quelque chose de vraiment sérieux. Et puis j'ai eu la chance de faire mes études dans une petite ville où l'hôpital n'était qu'à 15 minutes du stade en courant. Je pouvais donc à la fois travailler et être à l'heure sur la pelouse », détaille-t-il avant de préciser : « Au début, mes profs de médecine ne m'ont pas beaucoup aidé, ils me disaient qu'il fallait choisir. Alors j'ai prié pour que le Seigneur les fasse changer d'avis et un jour, ils m'ont accordé de passer un examen avec 24 heures d'avance pour pouvoir disputer une finale. »
Le déclic pour Jannie qui n'a jamais perdu de vue son double objectif. « Ma mère est enseignante. Elle m'a toujours encouragé à faire ce que j'avais envie de faire mais avec la priorité de réussir mes examens. » Alors Jannie travailla dur. En Afrique du Sud, la formation des médecins, après deux ans d'internat, s'achève obligatoirement par une immersion d'un an en zone rurale ou un township, pour le secteur public, là où les généralistes et spécialistes se font rares. « Comme en France, il existe bien des spécialités mais en fait, être généraliste en Afrique du Sud sous-entend que vous faites de toute façon un peu de tout, même de la chirurgie. C'est une nécessité liée à la densité de population dans certaines zones du pays », explique le Dr du Plessis. « Lors de mes deux années d'internat, je suis tombé sur des médecins extraordinaires. Je leur suis tellement reconnaissant de tout ce qu'ils m'ont appris… Grâce à eux, j'ai posé des drains thoraciques. J'ai fait un peu de chirurgie orthopédique, c'est une spécialité qui me plaît beaucoup d'autant qu'à la faculté nous avions des profs de très haut niveau. J'aime bien la pédiatrie aussi car les enfants sont toujours sincères. J'ai aussi fait pas mal de césariennes. Pratiquer l'obstétrique m'a plu parce que voir arriver la vie… c'est quand même quelque chose ! »
Soigné comme... un confrère
Dans son métier de rugbyman, Jannie du Plessis a beau avoir une relation quotidienne avec les médecins du MHR, il reconnaît une différence de culture entre les médecins de clubs sud-africains et français. « En Afrique du Sud, il suffit de dire au médecin que tu veux jouer… Et tu joues. Mais ici, on ne leur fait pas. Il n'y a pas de passe-droit. Si tu n'es pas à 100 %, tu ne joues pas. » Le Dr Alain Makinson, interniste au CHU et à la clinique mutualiste Beau-Soleil de Montpellier confirme : « Je trouve qu'il y a un grand respect des joueurs sud-africains vis-à-vis de nous, ne serait-ce que parce que nous sommes très attentifs aux séquelles que pourrait provoquer un choc », explique-t-il. « Pour Jannie, la relation est un peu différente des autres parce que s’il est blessé, il faut non seulement lui dire exactement le temps que cela va prendre avant qu'il puisse rejouer, mais il faut aussi lui expliquer ce qui le touche. Pas vraiment comme à un patient… mais comme à confrère qui veut précisément comprendre le diagnostic. »
Reste un respect confraternel entre le joueur du Plessis et les trois médecins du club. « Beaucoup de joueurs appellent les docs par leurs prénoms. Moi, je préfère les appeler "docteur", ne serait-ce que par respect parce qu'ils sont un peu plus âgés et qu'ils ont davantage d'expérience que moi. Ils me rendent parfois aussi un "docteur", histoire de rire un peu. »
Au sujet de son pays d'accueil, le Dr du Plessis qui prend des cours de Français en plus de ceux imposés par le club, est dithyrambique. « La France a vraiment le meilleur des systèmes de santé. Bien sûr, il y a des gens qui abusent, mais ça… c'est dans la nature humaine », philosophe-t-il avant d'ajouter : « Votre carte de crédit gratuite [la carte Vital, NDLR] pour se faire soigner, c'est très intéressant. Dans mon pays, riches et pauvres ne sont pas égaux devant la santé. Ça ne fait pas très longtemps que je vis ici mais de ce que je vois, vous avez le meilleur système de soins au monde. »
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