Démographie

Les déserts médicaux avancent

Publié le 18/12/2009
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Face à l’aggaravation de la situation démographique, gouvernements et élus s’affolent et les médecins sont l’objet de pression croissante. Du fait de la pression des internes, on n’a jusqu’alors maintenu la liberté d’installation. Mais pour combien de temps...

Entre les premiers cris d’alarme et la réalité du déclin de la densité médicale, il se sera passé un peu moins de dix ans. Une décennie où les pouvoirs publics n’ont probablement pas pris toute la mesure de la catastrophe annoncée. Un observatoire national de la démographie des professions de santé est certes créé en juin 2003 par le ministre Jean-François Mattéi, qui en confie la responsabilité au Pr Yvon Berland. L’ONDPS a rendu un premier rapport un an plus tard dans lequel sont dessinées les projections à l’horizon 2025. Le départ à la retraite des papy-boomers en blouses blanches étant prévu à partir de 2010, il est indispensable et urgent d’augmenter le numerus clausus qui était tombé dans les plus basses eaux au milieu des années 90, plaide le doyen. Message reçu au ministère : le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre la deuxième année passe de 4 317 en 2001, à 5 165 en 2003, à 6 994 en 2006 et à 7 400 en 2009. La loi HPST prévoit en outre, au nom du bon sens, qu’on forme davantage de médecins là où on en manque le plus. Il reste qu’il faudra attendre la décennie prochaine pour que les rangs des médecins en exercice augmentent, d’autant que les jeunes confrères ne s’installent plus en libéral avant 38 ans en moyenne.

En janvier 2006, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand présente son « plan démographie médicale » doté de 30 à 35 millions d’euros en année pleine. Le ministre n’impose aucune mesure coercitive aux médecins libéraux, au grand dam de la gauche. Mais il annonce la stabilisation du numerus clausus à 7 000 jusqu’à la fin de la décennie, promet un guichet unique de l’installation, augmente le plafond de cumul retraite activité. Et surtout il défend ce qu’il pense être « la » bonne idée : rémunérer davantage les médecins qui exercent dans les campagnes et les banlieues. Les partenaires conventionnels mettront plus d’un an à mettre en musique ce bonus de 20 % pour les cabinets de groupes dans les zones déficitaires, dont le zonage n’a d’ailleurs jamais cessé de faire polémique. Trois ans, plus tard, la mesure est décevante : moins de 700 praticiens l’ont touché.

2008 marque un tournant décisif. L’Ordre signale en septembre que pour la première fois la densité médicale en France reflue. Les pouvoirs publics ne peuvent plus dire que le « problème n’est pas le nombre de médecins mais seulement leur mauvaise répartition ». Pendant plusieurs mois, les représentants de la profession se sont mis autour de la table des États généraux de l’offre de soins afin d’élaborer des propositions. Palabres inutiles selon les uns, grand moment de démocratie parcipative pour les autres, les débats ne sont pas complètement stériles. L’idée d’une « solidarité intergénérationnelle » est poussée par les internes et les étudiants, très remontés depuis leur grève quelques mois auparavant contre toute atteinte à leur liberté d’installation.

En 2009, lors des débats sur la loi Hôpital, patients, santé et territoires, les parlementaires reprennent le concept à leur sauce et imposent le « contrat santé solidarité » qui pourra contraindre à partir de 2014 les généralistes des zones bien dotées à exercer une partie de leurs temps en zone déficitaire. Affichage politique qui ne résout pas grand chose, puisque les médecins pourront s’y soustraire contre une « contribution forfaitaire » rebaptisée« taxe Bachelot ».

Pendant ce temps, les déserts médicaux continuent de progresser. En septembre 2008, dans son « discours de Bletterans », le Président de la République avait loué l’accord conclu par les infirmières qui revient à autoriser une entrée pour une sortie dans les zones bien dotées. Les syndicats de médecins libéraux, longtemps opposés à ce type de mesure commencent lentement à y réfléchir avant que la contrainte ne devienne irrémédiable...

Dr Vincent Hélis* : "Limiter les installations ? Pourquoi pas ?"

«Je ne pense pas qu’on ait fait le tour de toutes les mesures incitatives pour réguler les installations et essayer de résoudre au mieux, les problèmes de démographie médicale. Donc je ne crois pas que la coercition, ce qui revient en définitive à la suppression pure et simple de la liberté d’installation, soit pour tout de suite. En revanche, je serais pour ma part plutôt favorable à la limitation des installations dans les zones sur-denses ».

*généraliste à Frontenay Rohan-Rohan (deux-sèvres)

Source : Le Généraliste: 2509