Quinze mille décès surnuméraires liés à la canicule estivale et le pic de température atteint en août 2003. Le funeste épisode est encore bien présent dans les mémoires. Et pas seulement dans celle du Pr Jean-François Mattéi, ministre de la Santé de l’époque. La preuve, son successeur de l’avenue de Ségur, a appris la leçon. Et, dès son arrivée, met ainsi sur pied un plan canicule reposant sur la surveillance constante de l’évolution de la température et de ses possibles conséquences sanitaires. Philippe Douste-Blazy met ainsi en pratique, dès l’année 2004, le principe de précaution cher à un autre ancien locataire du ministère de la Santé, Bernard Kouchner. Ce dernier l’avait d’ailleurs lui-même appliqué avec brio durant sa gestion du Sras lorsque l'épidémie, partie de Chine fin 2002, éclate au niveau mondial en 2003 faisant plus de 8000 cas et près de 800 morts. Mais grace à une mobilisation internationale sans précédent, motivée par l'alerte mondiale déclenchée le 12 mars 2003 par l'OMS, l'épidémie sera finalement endiguée par des mesures d'isolement et de quarantaine.
Depuis, le concept de précaution a fait florès auprès de tous les ministres de la Santé. Xavier Bertrand en tête et les mesures de précaution immédiate face à ce qui apparaît alors comme le nouveau risque de pandémie mondiale du troisième millénaire : la grippe du poulet, ou épidémie grippale H5N1. Durant tout le temps des incertitudes, le ministère de la Santé a été, presque constamment sur le pont, définissant ce faisant la marche à suivre pour ses successeurs en matière de gestion d’un risque pandémique…
Un modus operandi – la stratégie du qui-vive - qui ne tardera pas à être réutilisé dès le printemps 2009 avec l’apparition de la grippe A (H1N1). Mais avec cette fois-ci, du moins pour l’heure, des résultats plutôt inégaux. Dans un premier temps, l’opinion publique apparaît sinon goguenarde, du moins dubitative face au chiffon rouge agité par les pouvoirs publics. Faut-il ou non, à titre de précaution porter un masque ? Etait-il bien nécessaire de commander autant de doses de vaccins (94 millions) et enrichir ainsi l’industrie pharmaceutique sans être certain de la « qualité » de ces vaccins ? Les rumeurs, discussions et critiques, vont ainsi bon train, jusqu’au mois d’octobre… Pour se poursuivre en novembre, mais sur le versant opposé cette fois. Car un nombre croissant de Français ont désormais été convaincus de la nécessité de se faire vacciner. Seulement problème, sur le terrain, la logistique ne suit pas. Les médecins généralistes demandent, dans leur majorité, à ce que les vaccinations puissent avoir lieu dans leur cabinet. « Pour des raisons de conditionnement et de traçabilité des doses, c’est impossible » leur répond le ministère. Pendant que dans le même temps, les réquisitions, des généralistes, des internes et des médecins retraités, entre autres ne suffisent pas à endiguer les files d’attente devant les centres de vaccination. Début décembre, les professionnels de santé de l’armée sont appelés en renfort... Et il se murmure qu’un premier bataillon de généralistes, ceux qui exercent en groupe dans les maisons de santé, pourraient effectuer les vaccinations à leur cabinet à partir du mois de février. A suivre donc. Mais une chose apparaît certaine. Cette première décennie 2000 a, en matière de possible crise sanitaire, consacré l’avènement du principe de précaution appliqué à une échelle sans précédent et finalement consacré dans le texte même de notre Constitution.
Dr Georges Delamare*: "Internet a bouleversé la donne"
« La crise de la canicule a été la dernière crise avant la généralisation d’internet. Dans le cadre de H1N1, la communauté médicale et scientifique avait déjà échangé et savait à quoi s’en tenir avant même la mise en branle des plans de précaution par les pouvoirs publics. Quant à la précédente, celle du Sras, l’Etat s’est aussi d’une certaine manière décrédibilisé en annonçant une apocalypse, qui, heureusement n’est pas venue. C’est pourquoi, je ne saurais trop suggérer à nos dirigeants, lors de la prochaine, d’associer les professionnels de santé, de s’appuyer sur les gens de terrain dès le départ. L’appel à l’intelligence collective est mille fois plus efficace que n’importe quelle mesure autoritaire prise unilatéralement ».
Article précédent
La révolution CMU
Article suivant
Les patients prennent le pouvoir
La pari manqué de Douste sur le DMP
"La pression administrative s’est fortement accrue"
Le médecin traitant s’impose et le Capi séduit
« Une rupture idéologique considérable »
Dehors les cigarettes !
Les déserts médicaux avancent
Bachelot invente le DPC
La régionalisation de la sané achevée
Cancer, alzheimer: les chantiers des présidents
L’acquis de la CMU, le casse-tête des dépassements
Le générique s’impose dans les officines
La fin du tout paiement à l’acte
Maisons ou réseaux de santé: exercer autrement
Fiche technique
Le volontariat de la garde n’empêche pas les réquisitions
"L’exemple même du parisianisme"
La révolution CMU
Canicule, sras, grippes : la décennie des alertes
Les patients prennent le pouvoir
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature