En moins cinq ans, les règles du jeu ont changé pour le généraliste comme pour ses patients. 8 assurés sur dix s’inscrivent dans le parcours de soins. Et un généraliste sur trois a opté pour le Capi.
Ça a la couleur, la saveur et presque l’odeur de l’option référent, sauf que ce n’est pas une option, puisque tous les généralistes sont concernés par le dispositif médecin traitant lancé au début de cette année 2005. Et que les assurés de plus de 16 ans sont financièrement incités à s’inscrire dans le parcours de soins. Le coup de génie de Philippe Douste-Blazy lors de son comeback avenue de Ségur aura été de faire reprendre à son compte par la CSMF une philosophie qu’elle avait si longtemps combattue : la limitation de l’accès direct au spécialiste.
Il faut dire que pour prix de son ralliement, la « Conf’ » obtient des compensations. La réforme Douste-Bertrand d’août 2004, puis la convention de mars 2005 octroient des contreparties aux spécialistes. D’abord, en termes de droit à dépassement en secteur 1. Afin de limiter l’accès direct des patients aux spécialistes, les assurés « déviants » non seulement paieront davantage de ticket modérateur, mais encore devront s’acquitter des fameux « dépassements autorisés » dont peut se prévaloir désormais tout spécialiste qui reçoit un malade non adressé par son médecin traitant. Les spécialistes de ville obtiennent aussi un acte de consultant coté C 2, pour rémunérer un avis ponctuel. Enfin, ophtalmologues, psychiatres et gynécologues, se voient autoriser un accès direct spécifique, pour toute ou partie de leur activité. De leur côté, les généralistes promus « médecin traitant » héritent d’un forfait spécifique, pour leurs patients en ALD.
Le parcours de soins, curieusement parrainé par la CSMF et rejeté par MG France, démarre sa carrière de façon soft. Assez souple au départ, il se durcira par la suite lorsque la cnamts, décidera de sanctionner davantage les adeptes du « hors piste ». Au départ remboursés à 60%, ces récalcitrants ne sont plus pris en charge qu’à concurrence de 50% à partir de septembre 2007, avant que la prise en charge de la Sécu ne tombe à 30% à compter de février 2009. Autant dire quece dispositif, de plus en plus contraignant, se rapproche de la filière de soins.
Evolution financière, mais aussi conceptuelle. En 2005, le petit monde de la santé s’étonnait du peu de contenu médical du médecin traitant. Et les plus optimistes tablaient sur l’avènement du DMP pour muscler la coordination des soins. Finalement, c’est le Capi qui est venu « médicaliser » la fonction. Ce contrat d’amélioration des pratiques individuelles lancé en mai 2009 est parvenu à séduire près d’un médecin traitant sur trois en moins de six mois. Directement inspiré du quality and outcomes framework britannique, il propose aux généralistes de s’engager sur des objectifs de santé publique ou de maîtrise. Avec à la clé une prime de 7000 euros maximum en fonction des résultats.
Au total, en moins de cinq ans la cnamts de Frédéric Van Roekeghem est parvenue à changer la donne en ville, pour le patient comme pour le médecin. Plus de 80% des plus de 16 ans, soit 40 millions de personnes, ont désormais un médecin traitant. Et même si ce pourcentage cache de nombreuses disparités en fonction de l'âge (93% chez les plus de 60 ans, moins de 64% chez les moins 30 ans), cela témoigne d’une sérieuse évolution des règles du jeu en médecine de ville. Le parcours de l’assuré est désormais très encadré : près de 90% des consultations respectant le parcours de soins. Doucement, mais sûrement, l’exception française est en train de s’estomper.
Dr Dominique Hérault* : « Tous sauf anecdotique »
« Je pense que la réforme du médecin traitant est tout sauf anecdotique. Elle a été décriée, c’est certain, mais il n’empêche qu’elle a véritablement consacré le rôle du médecin de premier recours. Certes, pour les patients des confrères, qui comme moi, exercent en campagne, cela n’a fait que formaliser ce qui existait déjà. Mais encore une fois ce n’est pas anodin. Dernière chose, je pense que ce statut a aussi changé le regard des spécialités à notre encontre, ainsi que celui des hospitaliers. La preuve, c’est aujourd’hui le médecin traitant qui rédige la demande d’ALD.»
*généraliste à Renazé (53)
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