Lors d'un remplacement dans un cabinet de « Médecine générale - mésothérapie », j'ai pratiqué pour la première fois la mésothérapie.
Lors de mon entretien avec la médecin titulaire, elle m'avait demandé si j'avais déjà fait de la mésothérapie. De la méso-quoi ? Je ne savais même pas ce que c'était. Ça s'était conclu par un désinvolte : « Bon, le matériel est là, mais n'en faites pas si vous ne savez pas en faire. » Très bien, très bien, aucune envie de me frotter à ça.
Quelques jours plus tard, je croyais mourir d'ennui. La majeure partie des patients étaient partis fêter Noël et la fin d'année loin du village, et le reste ne voulait pas avoir affaire au remplaçant. Moyenne : 3 patients par jour. A 9 heures, midi et 18 heures, évidemment.
En dehors de l'ennui (j'ai découvert plein de jeux géniaux sur Internet), mes finances n'étaient pas à leur zénith, et je commençais à m'inquiéter. Mes repas étaient déjà passés du petit restaurant du coin de la rue aux plats préparés Casino à réchauffer 2 minutes 30. Je n'avais pas envie de passer au pain dur !
Si bien qu'il n'a suffi que d'un moment de faiblesse.
- Allo, je voudrais un RDV avec le Dr Danube pour une séance de mésothérapie.
- Oui, le 11 dans la matinée ?
- Ah non, demain ou après-demain maximum !
- Mais elle ne revient pas avant la semaine prochaine.
- Mais c'est urgent !!!!!!
La nécessité d'une séance de mésothérapie en urgence me laissait un peu perplexe, mais je ne tardais pas à accepter de la voir. Après tout, s'il y a bien une chose que mes études m'ont apprises, c'est à apprendre par moi-même !
Dès le RDV fixé, je commence mon auto-formation en lisant tout ce que je trouve sur Internet. Pas vraiment de site de référence, beaucoup d'informations dédiées aux patients et non aux médecins... Je dois trier. C'est là que les sueurs froides commencent.
La mésothérapie consiste à injecter certains produits (antalgiques, antispasmodiques...) directement dans le derme à l'aide d'aiguilles très courtes - plus courtes que des aiguilles à sous-cut. De nombreuses infections doivent être réalisées, assez proches les unes des autres pour baliser la zone à traiter. Les indications ? Larges. Très larges. Sinusite chronique, eczéma, migraine, accident de sport, allergies... la liste est longue !
Je regarde des dizaines de vidéos, je vérifie mon matériel, m'entraîne sur divers supports. Alea jacta est.
A son arrivée, la patiente me dit qu'elle fait, tous les hivers, de la mésothérapie au niveau du cuir chevelu pour ralentir la chute de ses cheveux. Elle n'a pas encore eu le temps cette année, et ils commencent à tomber par paquets, ce qui a motivé le caractère urgent de la consultation.
Cette localisation m'ennuie beaucoup parce que d'une part, il est très difficile pour ne pas dire impossible d'obtenir une bonne désinfection de la zone (à moins de raser mais je n'ai pas osé le proposer !), et parce que d'autre part, la chevelure brune fournie m'empêche de bien voir ce que je fais.
- Mais, vos cheveux sont tout à fait normaux ! Ils ne tombent pas ! M'exclamais-je naïvement.
- Mais oui ! Parce que je fais de la mésothérapie.
Suis-je bête. Je commence à piquer. La réaction est immédiate :
- Mais... vous n'utilisez pas le pistolet ?
Il existe des instruments en forme de pistolet permettant une maîtrise du geste et une rapidité d'action, et donc améliorant les performances du méso-thérapeute. Je ne savais même pas que le Dr Danube en avait un.
- Ah non. Moi, j'ai appris comme ça. On ne se refait pas.
Ce n'est pas tout-à-fait faux. Cependant, pour les actions suivantes, je suis plus prudent, et pose les questions importantes avant :
- Comment fait le Dr Danube pour la désinfection ?
- Elle me prescrit de la Bétadine et je fais deux shampoings par jour dans les 48 heures suivantes.
- Eh bien vous voyez, sur ce point-là, on fait pareil elle et moi ! Il y a plusieurs écoles.
Tandis que la séance se poursuit, je réfléchis un peu et ne suis pas fier. Et si la patiente se plaint au Dr Danube que le remplaçant ne piquait pas comme d'habitude, alors qu'elle m'a clairement dit de ne pas le faire ? Et s'il y a le moindre effet indésirable alors que je n'avais absolument pas le droit de faire ça ? Et si demain, la patiente se réveille chauve car il ne faut surtout pas utiliser de vitamine H (c'est quasiment le seul produit dont se servait le Dr Danube) dans l'alopécie ?
Et en même temps, quand j'étais interne et que, seul dans l'hôpital la nuit, j'ai appelé mon sénior de garde chez lui pour lui parler d'un patient en choc chez qui on ne trouvait pas la voie veineuse, je me suis entendu dire « Tu n'as jamais piqué en jugulaire ? Eh bien ce sera ta première fois », j'ai bien du me lancer. Quand j'étais de garde aux urgences et qu'un patient arrivait pour arthrite septique du genou, qu'un de mes chefs était sur un arrêt, l'autre sur un état de mal, j'ai bien du apprendre à ponctionner en regardant le manuel. Si j'avais du attendre à chaque fois que quelqu'un me montre, je ne saurais pas faire grand chose !
Mais là, il n'y avait pas d'urgence vitale !
Mon esprit balance comme ça entre remords et satisfaction.
En partant, la patiente y met un terme :
- Bon, vous ne le direz pas au Dr Danube, mais vous le faîtes beaucoup mieux qu'elle...
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