Vis-à-vis des toxiques alimentaires, essentiellement des pesticides, manger « conventionnel » ne semble pas entraîner de risque pour la santé. La balance bénéfice/risque concernant les cancers penche largement en faveur d’une consommation accrue de fruits et légumes, même issus de l’agriculture conventionnelle.
« La présence de pesticides dans l’alimentation aujourd’hui est extrêmement modeste », estime le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de Nutrition de l’Institut Pasteur de Lille. Le spécialiste se fonde sur le fait que les teneurs des aliments supérieures aux doses journalières autorisées (DJA) sont peu fréquentes, tout en sachant que celles-ci sont calculées pour être 100 à 1 000 fois inférieures aux doses supposées dangereuses ! De 1500 pesticides (familles des organochlorés et des organophosphorés aujourd’hui interdits, etc.) employés il y a quelques années, on est passé à environ 500 aujourd’hui. Cependant, « il faut rassurer le grand public, poursuit le nutritionniste. Nous avons conduit des études avec des simulations un peu dramatiques où l’on a mesuré les quantités de pesticides ingérées au travers de 800 g de fruits et légumes quotidiens provenant de l’agriculture conventionnelle (1), spécifiquement 43 substances encore en usage et dépassant les 10 % de DJA lors de précédentes études. Nous avons constaté de rares dépassements des seuils et cela ne signifie pas qu’il y ait danger car ces seuils réglementaires sont très bas. » De plus, le lavage et l’essuyage des fruits et légumes éliminent 70 à 80% des résidus de pesticides, des processus que les chercheurs avaient exclu dans l’étude. Enfin, absorbés par voie orale, une majorité des pesticides subit une détoxication hépatique, surtout si l’alimentation apporte des composés soufrés.
Le rapport de l’EFSA 2013 sur les résidus de pesticides est tout aussi rassurant après l’étude de 18 243 échantillons. Le risque à court terme a été exclu pour 99,6% et un dépassement des limites européennes a été observé pour l’avoine, les laitues, les fraises et les pêches. Qu’ils soient issus de l’agriculture biologique ou conventionnelle, 0,8% des produits dépassait les limites européennes légales.
Concernant les nitrates, les plus gros consommateurs sont ceux qui se nourrissent le plus de fruits et de légumes ainsi que les végétariens. Néanmoins, aucun lien n’a été retrouvé entre des taux élevés en nitrates et le cancer de l’estomac (2). Les nitrosamines pourraient se révéler cancérogènes, d’où un rôle potentiel dans certains cancers encore à investiguer.
Bisphénol, mercure et fongicides…
Pour ce qui est des perturbateurs endocriniens (bisphénol A, phtalates, composés bromés), la plupart ne sont pas d’origine alimentaire. Le bisphénol A, très présent dans les plastiques alimentaires, est interdit depuis 2010. Il est très probablement impliqué dans la survenue d’une obésité. à propos des polychlorobiphényles (PCB) retrouvés dans les poissons, la dose journalière tolérable (DJT) pour les six PCB principaux a été ramenée en 2005 par l'AFSSA à 10 ng/kg/j. L’Étude de l’Alimentation Totale française 2 (EAT 2, 2011) de l’ANSES a établi que l'exposition moyenne des Français adultes représente 27 % de la DJT et que les poissons y contribuaient pour 58%. Néanmoins, seuls 2,6% des consommateurs sont susceptibles de dépasser la DJT. Quant au mercure stocké dans les poissons, il est surtout lié à l’activité volcanique sous-marine et se retrouve davantage dans les gros poissons de bout de chaîne alimentaire. « Il faut donc diversifier les poissons, conclut le nutritionniste, et privilégier les petits si l’on dépasse deux portions par semaine, et/ou se tourner vers les poissons d’élevage… ».
Autre point important, ajoute Jean-Michel Lecerf, « il ne faut pas oublier que certains pesticides, comme les fongicides, sont très bénéfiques et que de nombreuses études ont montré que les produits “Bio” sont souvent plus contaminés en mycotoxines que les produits conventionnels et sont impliquées notamment dans la survenue du cancer du foie ».
(2) Food Chem Toxicol 2012, 50, 3646-65.
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