Le Généraliste : Quand le rôle de l’environnement dans la santé de l’homme a-t-il été reconnu ?
Pr Denis Zmirou-Navier Hippocrate déjà avait rédigé un traité sur l’importance « des airs, des eaux et des lieux » sur la santé des populations ! Il faut ensuite attendre 22 siècles : les grandes découvertes des hygiénistes, de 1830 à 1880, conduiront à toute une série de mesures sur les milieux de vie, sources de progrès sanitaires majeurs dans les pays les plus avancés. Puis on a baissé la garde, de 1930 jusque vers 1990, sur la qualité des milieux de vie – sauf pour l’eau, qui a toujours été considérée comme un bien essentiel en France. On a cru qu’il suffirait de développer de nouveaux médicaments et technologies médicales pour régler les problèmes de santé des populations. à partir des années 1990, l’importance de l’environnement sur la santé a été redécouverte, notamment pour la pollution atmosphérique. Grâce à de nouveaux protocoles, plus précis et performants, à la combinaison d’études épidémiologiques et toxicologiques, on a compris que la qualité de l’air constituait toujours une menace sanitaire sérieuse.
Quels sont les facteurs environnementaux à la nocivité démontrée chez l’homme ?
Pr D. Z.-N. Dans les villes françaises, la mauvaise qualité de l’air réduit de quatre à six mois l’espérance de vie. On se focalise aujourd’hui sur les pics de pollution atmosphérique, mais le plus néfaste est l’exposition chronique aux particules fines et aux oxydes d’azote ! Parmi les polluants de l’air intérieur reconnus figurent, bien sûr, l’amiante et le radon. Quant à la qualité de l’eau, constamment surveillée, peu de maladies graves ou de décès lui sont liés en France aujourd’hui. Le mauvais traitement de nos déchets, de son côté, a entraîné une contamination des sols, des eaux et de l’air – et une atteinte à la santé des riverains – reconnue depuis la fin des années 1990. Aujourd’hui les décharges sauvages sont presque éliminées, les installations d’incinération des ordures ménagères sont enfin de qualité...
Quid des pesticides ?
Pr D. Z.-N. Le Parkinson est une maladie professionnelle reconnue chez les agriculteurs, en lien avec l’exposition aux pesticides. Tout un champ d’études est consacré aux « perturbateurs endocriniens » mis en cause dans des troubles de la reproduction, notamment de la fertilité masculine. Plus récemment, ces molécules ont été suspectées de favoriser l’obésité ou le diabète, mais cela reste une hypothèse de recherche. Différents types de cancers sont aussi attribués à des pesticides, avec des degrés de certitude variables.
Et pour les champs électromagnétiques ?
Pr D. Z.-N. Pour les ondes de très basses fréquences liées à l’électricité, les normes de sécurité permettent d’assurer un niveau satisfaisant de sécurité. Avec, cependant, une interrogation sur le risque de leucémies chez l’enfant résidant à proximité d’une ligne à haute tension ou dans un logement aux circuits électriques mal configurés. L’OMS a classé ces ondes comme « cancérogènes possibles » (2B). Quant aux ondes de très hautes fréquences (radio, TV, radars, téléphonie mobile), également classées « 2B » par l’OMS, c’est un domaine encore non tranché. Les données sont, malgré tout, rassurantes et si des risques existent, ils sont faibles.
Vous avez coordonné l’évaluation de l’impact des mesures du Plan National Santé Environnement -2 . Quel a été votre diagnostic ?
Pr D. Z.-N. Ce PNSE-2 a mobilisé pas mal d’énergie et d’acteurs, d’une façon coordonnée, donc plus efficace. Avec des résultats positifs, comme l’amélioration de la qualité des eaux de boisson. Mais pour la qualité de l’air, la situation française reste médiocre. Elle stagne depuis 10 ans. On en paie le prix avec des maladies cardiovasculaires et respiratoires et des cancers pulmonaires. Le bruit aussi reste un motif de plainte important en milieu urbain. De ces constats devra tenir compte le PNSE-3 en cours de préparation.
Les facteurs de risques environnementaux auront-ils un poids comparable à ceux de l’HTA, de la sédentarité, du tabac... ?
Pr D. Z.-N. L’environnement est à cent lieues d’avoir les mêmes effets sanitaires que le tabagisme ou l’alcoolisme ! Les pathologies liées à des facteurs environnementaux, dont le poids a reculé ces dernières décennies, donnent des signes discrets, non spécifiques. Il faut que le généraliste soit bien formé et informé et reste très attentif à un trouble qui s’installe de façon chronique, sans s’améliorer. Par exemple, face à un enfant qui présente un trouble de l’agitation ou de l’attention, il doit se demander s’il vit dans un milieu qui l’expose au plomb. Il ne doit pas hésiter à signaler des cas suspects, ni à participer à des projets de recherche sur ces questions. Il reste encore beaucoup à savoir pour poursuivre les progrès accomplis.
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