La baisse de fertilité chez l’homme a été récemment mise en évidence en France (BEH, 21 février 2012), notamment dans une étude de l’InVS menée sur plus de 26 600 hommes à partir du registre FIV NAT. Elle montre qu’en 16 ans, entre 1989 et 2005, la concentration en spermatozoïdes dans le sperme a diminué de 33% et cela, de manière continue (soit 1,9% par an). Fait rassurant : cette baisse de la fertilité n’atteint toutefois pas le seuil d’infertilité. Par ailleurs, d’autres études montrent une augmentation des cancers des testicules chez l’homme jeune, et des cryptorchidies et hypospadias chez le jeune garçon.
La fertilité féminine semble elle aussi altérée, même si cela n’a pas été observé dans des études à large échelle. « Les cliniciens des centres de PMA ont le sentiment de voir de plus en plus de femmes jeunes qui viennent consulter pour une infertilité et qui présentent une baisse précoce de leur réserve ovarienne?», indique Sylvaine Cordier (Inserm-Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail).
Quels sont les éléments à l’origine de ces baisses de fertilité ? Y a-t-il un lien avec la pollution environnementale ? Ces questions restent en suspens. Car « il n’est pas si simple de statuer, évoque la chercheuse. Les modes de vie ont beaucoup évolué ce siècle dernier avec, en premier lieu, un désir de
grossesse plus tardif, cause majeure d’infertilité étant donné que la fertilité diminue avec l’âge?». De plus, les consommations d’alcool, de tabac, et de drogues sont autant d’éléments qui entravent notre faculté à concevoir, hommes comme femmes. L’obésité, plus fréquente aujourd’hui, impacte également la fertilité. Toutefois, le rôle de la pollution environnementale est loin d’être écarté et les études qui tendent à inculper les perturbateurs endocriniens se sont multipliées au cours des 20 dernières années.
Aujourd’hui, plus de 400 perturbateurs endocriniens sont répertoriés par la Communauté Européenne. Parmi les plus fréquents : les phtalates, le bisphénol A, les métaux lourds (notamment plomb et cadmium). Leur effet néfaste sur la santé a été démontré chez l’animal et sur des cultures cellulaires : dysfonction de la reproduction, cancer, etc. Mais chez l’homme, si le doute plane fortement, rien n’a été prouvé. Sauf pour les pesticides et les métaux lourds.
Preuves agricoles
En effet, chez les agriculteurs, des études ont montré que le dibromochloropropane et la chlordécone (aujourd’hui interdits) contribuaient à l’apparition d’atteintes de la fertilité masculine. « Mais beaucoup d’incertitudes subsistent en ce qui concerne les nombreux mélanges de pesticides actuellement employés », indique une expertise de l’Inserm.
De plus, « si un lien a été établi dans les populations agricoles exposées à de fortes doses de pesticides, l’impact sur la population générale, exposée à des doses bien plus faibles, n’a pas été prouvé », indique Sylvaine Cordier. Idem pour l’ensemble des perturbateurs endocrinienssur lesquels pèsent seulement de lourdes suspicions. Aujourd’hui, quelle attitude adopter en l’absence de preuves ? « Nous ne pouvons que relativiser et développer des études plus performantes, analyse la chercheuse. Dans l’attente de nouvelles données, le principe de précaution doit être mis en œuvre. » C’est dans cette optique que le bisphénol A sera retiré définitivement du marché en 2015 alors que les preuves de sa nocivité chez l’homme sont ténues. Mais la problématique n’est pas levée pour autant : quels produits de substitution viendront le remplacer et avec quelle toxicité ?
Une inquiétante exposition fœtale
L’application du principe de précaution est d’autant plus valable chez la femme enceinte pour protéger l’enfant à naître. En effet, chez l’animal, on a démontré qu’une exposition in utero pouvait altérer le développement des organes sexuels masculins (malformations anogénitales, hypospades, anomalies de la spermatogenèse) et induire des cancers de la prostate ou des testicules. Mais une fois encore, cet effet chez l’humain reste à prouver.
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