Le boom des thérapies ciblées
Selon le Pr David Khayat, plus de 60 % des patients ayant un cancer sont guéris définitivement. Lorsque la guérison n’est pas obtenue, le cancer se transforme en une maladie chronique, avec laquelle l’immense majorité des patients peut vivre durant des années avec une qualité de vie très satisfaisante. Il s’agit d’une révolution culturelle pour les cancérologues qui doivent désormais intégrer la gestion du facteur temps et s’y adapter.
Les thérapies ciblées ont modifié de spectaculairement l’approche des cancers. Ils agissent sur des molécules cibles spécifiquement exprimées dans les cellules tumorales, ce sont soit des anticorps monoclonaux (mab) ou des inhibiteurs enzymatiques (inib). Ces médicaments sont beaucoup plus spécifiques que la chimiothérapie classique. « Si leur rapport toxicité/efficacité est bien meilleur, ils présentent cependant des toxicités nouvelles que nous avons appris à gérer, explique le Pr Khayat. Lorsque ces thérapies sont efficaces, l’efficacité est très importante et dépasse largement celle à laquelle nous nous étions habituées jusqu’à ce qu’ils soient disponibles. Par exemple, l’herceptine augmente de 45 % le taux de rémission à 5 ans des cancers du sein. »
La prise en charge des effets indésirables chimio-induits (nausées, vomissements, immunodépression...) se sont considérablement améliorés.
Un démembrement des tumeurs de plus en plus fin
La biologie moléculaire et les micropuces à ADN permettent de distinguer de nombreux sous-groupes de patients au sein d’un cancer. Chaque sous-goupe peut ainsi bénéficier d’un traitement spécifique. Aujourd’hui le raisonnement ne s’applique plus au cancer du sein en général, mais à chaque sous-type de cancer. Grâce au ciblage moléculaire, il existe maintenant des entités nosologiques différentes, ayant un pronostic différent, diagnostiquées avant la mise en route du traitement. La recherche de récepteurs HER 2 dans la tumeur du sein ou de la mutation du gène K-RAS pour le cancer du côlon sont déterminants pour le choix du traitement.
La radiothérapie stéréotaxique contre les métastases
La radiothérapie stéréotaxique est une autre avancée majeure dans les tumeurs solides. Sa balistique extrêmement précise permet en effet d’éradiquer des lésions de très petite taille. Cette technique a ainsi permis de « donner une deuxième vie aux patients atteints de métastase cérébrale, qui avant étaient irrémédiablement condamnés en raison de la barrière hématoméningée », précise le Pr Khayat. Lorsque les métastases cérébrales ont une taille inférieure à trois centimètres, il est possible, dans la grande majorité des cas, de les détruire complètement. La radiothérapie stéréotaxique cérébrale peut en outre être appliquée de façon itérative et ainsi offrir une survie prolongée de plusieurs années.
Dans les métastases pulmonaires la stéréotaxie synchronisée sur la respiration permet de délivrer les rayons toujours au même endroit malgré les mouvements respiratoires et d’éviter d’irradier du tissu pulmonaire sain.
La dynamique du plan Cancer
« En France, la mise en place du plan Cancer doit être particulièrement soulignée », précise le Pr Khayat. Ce plan a notamment permis le dépistage organisé des cancers du sein et du côlon, la France étant le seul pays au monde bénéficiant simultanément de ces deux programmes de dépistage de masse. L’autorisation administrative des centres de traitement de chaque type de cancer est aussi une avancée majeure au bénéfice des patients.
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L’essentiel pour David Khayat,
Chef du service d’oncologie médicale, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris
Les avancées majeures:
Les thérapies ciblées qui ont bouleversée l’approche diagnostique, thérapeutique et pronostique des cancers. On peut affirmer aujourd’hui que la majorité des cancers se guérit.
Objectif 2020 :
Je souhaite que l’on accélère les processus de découverte et leurs applications cliniques. Ceci ne peut être atteint qu’en investissant davantage dans la recherche, en créant des incitations pour que les jeunes se dirigent en plus grand nombre vers la recherche et restent en France, en développant des outils de recherche dont la taille et la qualité doivent être adaptées aux véritables enjeux du cancer.
Un pays qui n’investit pas dans la recherche n’investit pas dans son avenir.
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