Considéré comme le gold standard en matière de nutrition du tout-petit, l’allaitement maternel est aujourd’hui fortement encouragé. Pourtant certains de ses bénéfices présumés sont discutés, voire controversés. Et la recherche de preuves solides reste presque impossible faute de pouvoir envisager, d'un point de vue éthique, la réalisation d’études randomisées dans ce domaine. Les arguments sont donc d'ordre épidémiologique et proviennent principalement d'études d'observation.
Bénéfices présumés
Le bénéfice le mieux évalué est la protection par l'allaitement exclusif contre les infections gastro-intestinales, puis, de façon un peu moins certaine, contre les infections ORL et respiratoires. « Cet effet, dû aux anticorps que la mère transmet au nourrisson, est d'autant plus important que l'allaitement se poursuit longtemps, et n'existe que pendant la durée de l'allaitement », précise Anne-Françoise Pauchet-Traversat, co-auteur des dernières recommandations sur l'allaitement maternel de la HAS. « Mais on peut aussi considérer qu'un allaitement partiel est déjà utile », modère le Dr Laurent Pradeaux, pédiatre au CH de Périgueux. Par ailleurs, l'allaitement maternel favorise le contact entre la mère et l'enfant, ce qui n'est pas non plus négligeable.
En revanche, les autres bénéfices (développement cognitif, protection contre les maladies atopiques ou l’obésité, meilleure acuité visuelle...) sont beaucoup moins clairs. Et ce pour diverses raisons : certaines études sont rétrospectives, donc basées sur les souvenirs des mères ; les mères appartenant à des catégories socioprofessionnelles élevées font aussi partie de celles qui allaitent le plus, ce qui introduit un biais par rapport au succès scolaire ; il existe aussi un lien entre femmes allergiques et mères allaitantes, ce qui crée un autre biais quant à la protection contre les allergies...
« Mais ce n'est pas parce que rien n'est prouvé formellement que tout ce qui est dit est faux », tempère le Pr Patrick Tounian, responsable du service gastro-entérologie et nutrition à l'hôpital Trousseau à Paris.
Peu de vraies contre-indications
Concernant les effets potentiellement négatifs de l’allaitement les données semblent plus claires : « L'allaitement exclusif n'a pas d'effets délétères sur la croissance, affirme Anne-Françoise Pauchet-Traversat. Les nourrissons allaités prennent certes un peu moins de poids et le gain en taille est légèrement moins important, mais tout rentre dans l'ordre par la suite ». Pour éviter les risques de rachitisme d’une part, et d’hémorragies d’autre part, une supplémentation en vitamines D et K est nécessaire car le lait maternel n’en contient pas. Mais, globalement, les vraies contre-indications sont très rares se résumant à la phénylcétonurie, les malabsorptions congénitales du glucose et galactose, et le traitement de la mère par un médicament potentiellement toxique pour l'enfant. VIH et hépatites, en revanche, n'en font plus partie.
Pour autant pas question d’imposer l’allaitement maternel à tout prix : « Mieux vaut un allaitement artificiel bien vécu qu'un allaitement maternel contrarié », insiste le Pr Tounian.
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