Dénutrition et démence

Le cercle vicieux

Publié le 12/10/2012
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Près de 40 % des patients atteints de maladie d’Alzheimer sont en perte de poids. Et plus la démence gagne en sévérité, plus les risques d’amaigrissement et de dénutrition progressent, avec un impact délétère sur les fonctions cognitives mais aussi sur la mortalité.

Crédit photo : ©DELOCHE / BSIP

La perte de poids et la dénutrition concernent les personnes âgées en général, mais touchent tout particulièrement les personnes souffrant de troubles cognitifs. Près de 40 % des patients atteints de maladie d’Alzheimer sont ainsi concernés. La perte pondérale peut être présente avant l’installation de la démence,

« mais c’est aussi une manifestation de la maladie elle-même », souligne le Dr Monique Ferry (INSERM université Paris XIII). à chacune des étapes de la maladie, les causes de la diminution des apports nutritionnels varient. « Au stade précoce, c’est un défaut d’anticipation des besoins nutritionnels chez ces malades, aggravé par la solitude. Au stade évolué, l’acte alimentaire lui-même est perturbé : désorientation dans le temps avec prise des repas anarchique, troubles praxiques gênant l’utilisation des couverts ou refus de l’alimentation. » Au stade sévère, l’alimentation devient difficile et même dangereuse du fait des fausses-routes. Ainsi, plus la démence gagne en sévérité, plus les risques d’amaigrissement et de dénutrition progressent. Certains traitements anti-Alzheimer peuvent aussi induire des nausées et contribuer ainsi à la perte de poids. La déambulation permanente augmente en sus la dépense énergétique.

Facteur de mauvais pronostic

Conséquences de la maladie, la perte de poids et la dénutrition peuvent aussi en être des facteurs aggravant. Avec la diminution des apports en nutriments (glucose, protéines et acides gras), en micronutriments anti-oxydants (vitamines et minéraux) et en micro-constituants (polyphénols), les déficits cognitifs s’installent encore plus rapidement.

Mais au-delà de l’aggravation des troubles cognitifs, la dénutrition est aussi un facteur de mauvais pronostic global. Chez une personne atteinte d’Alzheimer, le risque relatif de décès est de 1,6 pour une perte de poids de 15%. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat. En cas de dénutrition, les muscles squelettiques sont touchés avec une baisse de la force musculaire, de l’autonomie fonctionnelle et une augmentation des chutes et des fractures. Le système immunitaire en fait aussi les frais avec une immunité cellulaire diminuée (augmentation des infections, du syndrome inflammatoire, de l’hypercatabolisme).

Le risque d’escarres est aussi majoré (augmentation de l’hypercatabolisme et fuite de protéines) comme celui d’ostéoporose. Les protéines circulantes sont impactées avec une chute de l’albumine plasmatique d’où une diminution de la capacité de transport des médicaments.

Dépister et corriger une éventuelle réduction des apports alimentaires dans cette population est donc une priorité.

« Lors d’un diagnostic présupposé d’Alzheimer débutant, le médecin doit automatiquement inclure un bilan nutritionnel, en posant au minimum les six premières questions du Mini Mental Status et surveiller le poids au fil des consultations (1 fois /mois au moins) », conclut le Dr Ferry.

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr