L'homéopathie ne devrait plus être remboursée par la Sécu car son efficacité est « insuffisante », a jugé la Haute autorité de santé (HAS) dans son avis rendu public ce vendredi. « Au terme de la première évaluation scientifique française de ces médicaments, la commission de la transparence rend un avis défavorable à leur prise en charge par l'assurance maladie », précise la HAS.
La décision finale revient au gouvernement. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a affirmé à plusieurs reprises qu'elle suivrait l'avis de la HAS pour sa décision finale. Quand ? « Aujourd'hui mon urgence est de gérer la canicule et son impact, je pense que la décision peut attendre encore quelques jours », a-t-elle déclaré jeudi sur France 2, avant que l'avis lui soit officiellement communiqué. Les pro-homéopathie ont appelé à des manifestations à Paris et à Lyon ce vendredi.
Neuf mois de travail
Après neuf mois de travail, la commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS) a donc rendu son verdict définitif, après une phase contradictoire avec les trois laboratoires concernés (Boiron, Weleda et Lehning). Cette conclusion n'est pas une surprise puisqu'elle confirme l'avis provisoire qui avait fuité en mai dans la presse.
24 affections et symptômes concernés
Ce vendredi, lors d'une conférence de presse, la HAS s'est expliquée pour la première fois sur sa méthode scientifique. L'évaluation a porté sur 1 163 médicaments homéopathiques, actuellement remboursables à 30 %, c'est-à-dire les médicaments à nom commun, commercialisés sous leur nom latin et qui se présentent généralement en tubes doses ou granules (gelsemium, influenzinum, anica...). Ont été exclus de l'évaluation de la HAS les médicaments homéopathiques à nom de marque (Oscillococcinum, Arnigel, Cocculine...), bénéficiant d'une AMM, qui n'ont jamais été inscrits au remboursement.
La HAS a rendu son avis « en prenant en compte leur efficacité et leurs effets indésirables, leur place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres traitements disponibles et la gravité des affections auxquelles ils sont destinés et leur intérêt pour la santé publique ».
La méthode a consisté à analyser des données cliniques et les informations disponibles dans des situations thérapeutiques identifiées selon les principes de l'Evidence Based Medecine. Au total, elle a épluché « plus de 1 000 études » publiées sur les médicaments homéopathiques (méta-analyses, revues systématiques, essais cliniques randomisés publiés), avant d'en retenir 300 (analysées dans leur intégralité), puis seulement 37 « suffisamment pertinentes » (21 revues systématiques de la littérature et méta-analyses,10 essais contrôlés randomisés, 6 études d'impact de santé publique).
Pas d'étude robuste
La HAS a identifié des données scientifiques pour 24 « affections et symptômes traités » regroupés par aire thérapeutique – arthrose, saturnisme, céphalées et migraines, syndrome de la fatigue chronique, troubles de l'anxiété…
Au final, pour l’ensemble de ces 24 affections et symptômes, la HAS a conclu à une « absence de preuve de l’efficacité de ces médicaments dans les études scientifiques (soit parce que les études présentaient des biais méthodologiques importants ne permettant pas de retenir leurs conclusions, soit parce que l'efficacité observée tait comparable à celle du placebo) », à une « absence d’étude robuste permettant d’évaluer l’impact des médicaments homéopathiques sur la qualité de vie des patients », à une « absence d’impact attribuable aux médicaments homéopathiques sur la consommation d’autres médicaments, la diminution du mésusage, le nombre d’hospitalisations, les retards à la prise en charge ou sur l’organisation des soins » ou encore à la « non-nécessité de recourir systématiquement à des médicaments classiques ou homéopathiques pour traiter des pathologies sans gravité ou qui guérissent spontanément ».
Pas de dogmatisme
Ce vendredi devant la presse, le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, a toutefois tenu à rappeler « le message de respect pour les personnes qui utilisent l'homéopathie ». « C'est leur expérience et c'est respectable. Il n'est pas question de contester cette expérience. Notre mission est de dire si l'efficacité des médicaments homéopathiques est suffisante pour justifier le remboursement par la collectivité », a-t-elle précisé. Elle a assuré que « l'évaluation a été effectuée de façon rigoureuse dans un esprit scientifique sans a priori et sans dogmatisme ».
Au-delà de l'évaluation, la HAS a souligné que « le recours à l'homéopathie ne doit en aucun cas retarder la prescription de soins nécessaire lorsque la prise en charge s'impose notamment pour les maladies sévères et évolutives ». « Nous souhaitons sensibiliser les prescripteurs et les patients sur le fait que toute situation clinique ne nécessite pas forcément une prescription médicamenteuse. Notre objectif est de sortir de la culture du tout médicament et de savoir recourir aux approches préventives ou thérapeutiques non médicamenteuses », a déclaré le Pr Le Guludec.
Les défenseurs du remboursement de l'homéopathie continuaient ce vendredi de contester la méthode d'évaluation de la HAS. Ils mettent en avant la « spécificité » des médicaments homéopathiques (absence d'indications thérapeutiques résultant de leur statut réglementaire, caractère individualisé du traitement) qui, selon eux, ne permet pas de les évaluer comme des médicaments conventionnels.
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