Quelque deux millions de femmes sont concernées par l’endométriose en France aujourd’hui. Leur parcours de soins a connu de grandes améliorations depuis 2023, avec notamment une stratégie nationale proposée, votée et budgétée pour que soit identifiée, présente et en activité, dans chaque région, une filière de soin de lutte contre l’endométriose. « Les femmes pour lesquelles ce diagnostic n’est pas retenu ne doivent pas non plus être oubliées : il faut bien sûr les accompagner pour proposer des solutions à leurs douleurs. On manque encore de ressources dans ce domaine », souligne le Pr Pascal Rousset, radiologue (CHU Lyon, HCL), qui a co-coordonné le groupe de travail de labellisation HAS sur l’actualisation de la place des différents examens d’imagerie avec la Pr Isabelle Thomassin-Naggara (CHU Tenon, AP-HP).
Un maillage territorial gradué
La mise en place des filières régionales de lutte contre l’endométriose devrait réduire l’errance diagnostique. Avec une moyenne de 10 % de femmes concernées et un délai diagnostique de l’ordre de sept ans, il y avait urgence à agir. Toutes les régions sont désormais (plus ou moins bien) pourvues, en vue notamment de raccourcir les délais de prise en charge.
Des campagnes de formation des médecins, des sages-femmes et des paramédicaux ont été, et sont encore, menées, ainsi que des campagnes d’information du grand public. De quoi jouer sur l’errance liée à la méconnaissance de l’endométriose. « L’enjeu actuel, dans les filières comme Endaura de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est de proposer un maillage territorial gradué prenant en compte le niveau d’expertise de chaque professionnel de santé », détaille le Pr Rousset. Il y a ainsi un niveau de premier recours, où des professionnels de première ligne (médecins traitants, infirmières scolaires, sages-femmes, kinésithérapeutes, etc.) possédant des compétences pour le diagnostic orientent vers une prise en charge de proximité. En seconde ligne, la prise en charge des endométrioses plus complexes sur les plans médical et chirurgical requiert une multidisciplinarité, avec un accompagnement des patients répondant à leurs enjeux (douleur, fertilité, vie personnelle, etc.) « En radiologie, nous souhaitons également nous structurer, en proposant des échographies endovaginales en première ligne, et une stratégie de seconde ligne avec la réalisation d’une IRM pelvienne ± échographie endovaginale par un référent, qui demande une certaine expertise du radiologue. Cela fait partie d’une réflexion actuellement menée au niveau national », indique-t-il.
Une labellisation HAS
Depuis les recommandations HAS de 2017 sur l’endométriose, une réactualisation est en cours, notamment avec une labellisation, en phase de validation sur le volet de l’imagerie. « Notre souhait est de mieux qualifier le soin radiologique : du diagnostic, que l’on souhaite précoce mais précis, en évitant les faux positifs, à la décision thérapeutique, avec une cartographie exhaustive des lésions, résume le Pr Rousset. Nous avons donc réactualisé la stratégie diagnostique en imagerie (échographie et IRM, mais aussi les examens de 3e intention, comme l’écho-endoscopie et l’entéro-IRM) : quelles techniques utiliser, comment, pourquoi, avec quelle fiabilité, quels avantages, quels inconvénients. Nous avons aussi repris un ensemble de recommandations concernant les bonnes attitudes (le “savoir-être”) en échographie endovaginale (explications de l’examen, demande de consentement). Enfin, nous avons avancé, avec le groupe de travail et sur la base des travaux effectués par la Société d’imagerie de la femme (Sifem), sur le compte rendu structuré et l’édition de fiches pratiques en échographie et en IRM. »
Tous ces travaux sont en cours de transposition sur le plan européen, voire nord-américain. « L’idée est d’uniformiser, de standardiser les pratiques, en recourant à un lexique et une description précise des lésions, pour mieux répondre aux enjeux de la décision thérapeutique. Cette homogénéisation est aussi souhaitable si l’on veut par la suite pouvoir réaliser des études de grande ampleur », insiste le radiologue.
Nous voulons standardiser les pratiques
Pr Rousset
Fortes attentes du côté du test salivaire
Pendant longtemps, en l’absence de certitude diagnostique, notamment avec une imagerie négative ou incertaine, le recours à la cœlioscopie se discutait. Le test salivaire Endotest (Ziwig) est donc très attendu. « Une centaine de centres y a déjà recours, dans le cadre de l’étude du forfait innovation de la HAS mis en place très récemment, indique le Pr Rousset. Ce test recherche dans la salive, par le séquençage de microARN, la signature d’une endométriose, avec une performance diagnostique de 95 %, sous réserve qu’il soit pratiqué dans une population de femmes chez qui l’on suspecte une endométriose, donc avec une haute prévalence. Chez une patiente avec une imagerie négative ou douteuse – ce qui est notamment le cas de l’endométriose superficielle –, un test salivaire positif permet donc de réduire d’autant l’errance diagnostique et d’éviter potentiellement une cœlioscopie. »
Entretien avec le Pr Pascal Rousset (Lyon)
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