CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations

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Publié le 15/01/2025
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La première étape de revalorisation des actes techniques, intervenue au 1er janvier, en amont de la refonte de la CCAM, laisse de côté certains actes très utilisés, s’agacent plusieurs syndicats de spécialistes. Ils invitent la Cnam à corriger le tir.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Honoraires des spécialistes

C’est une petite douche froide pour les spécialistes techniques et médico-techniques. Négociées dans la nouvelle convention et annoncées par la Cnam comme une « revalorisation générale » de la CCAM (classification commune des actes médicaux), les premières hausses de tarifs des actes techniques, intervenues en janvier, semblent laisser certains syndicats de spécialistes sur leur faim.

De fait, la première phase d’augmentation du facteur de conversion monétaire (FC, qui gratifie le « travail médical » en points et entre dans le calcul du tarif cible des actes CCAM) ne concerne pas l’ensemble des 13 000 actes de la nomenclature. Pour mémoire, la revalorisation de trois points (au total) a été programmée dans la convention en deux temps et fixée comme suit : 0,455 euros par point de travail médical au 1er janvier 2025 (+ 1,5 point) et 0,47 euro par point au 1er juillet 2025 (+ 1,5 point). Les tarifs revalorisés sont mentionnés en annexe de la convention.

Une liste à la Prévert

La branche spécialiste de la FMF a été la première à dénoncer « les trous dans la raquette » et une « revalorisation en trompe-l’œil de la CCAM technique », après avoir interrogé ses adhérents. Selon la Dr Nicole Cochelin, membre du bureau du syndicat, loin d’une revalorisation générale, les actes « mis de côté » sont même ceux qui sont « les plus utilisés », laissant certains tarifs au même niveau depuis vingt ans…

En dermatologie, sa spécialité, les oublis concernent par exemple l’exérèse d’une tumeur cutanée de moins de 5 cm² (QZFA036). « Cela fait vingt ans que je retire les tumeurs cutanées au même prix alors que les charges ont bondi, décrit la dermatologue. Dans ma spécialité, comme dans beaucoup d’autres, sur les dix actes les plus utilisés, deux ou trois manquent à l’appel de la petite revalorisation annoncée. On laisse sur le carreau les actes qui font partie du quotidien du médecin. C’est hallucinant. »

On laisse sur le carreau des actes qui font partie du quotidien du médecin

Dr Nicole Cochelin, membre du bureau de la FMF

La FMF s’est employée à dénicher d’autres actes « du quotidien » qui auraient été laissés de côté comme le test d’évaluation de la dépression (ALQP003) accessible aux généralistes, psychiatres, neurologues et autres spécialités, le test d’évaluation d’un trouble cognitif (ALQP006), l’électroencéphalographie (AAQP350) ou encore la pose d’un stérilet (JKLD001) dont « le tarif est à 38,40 euros depuis 1992 alors que le prix des consommables a triplé en trente ans »… Une liste à la Prévert et autant de praticiens désabusés ou mécontents. Cette situation risque de pousser les spécialistes de secteur 1 à délaisser ces actes, alerte la FMF. « On s’adressera aux médecins de secteur 2, qui feront des dépassements », prévient la Dr Cochelin.

Interrogés par Le Quotidien, Avenir Spé comme la CSMF confirment cette « mauvaise surprise » constatée à la fin des négociations. « Il y a bien une évolution du point travail, mais il fallait comprendre que c’était pour le calcul des valeurs cibles des actes CCAM », décrypte le Dr Bruno Perrouty, président des Spécialistes-CSMF. Par conséquent, « tout le monde n’est pas concerné finalement  », ajoute le neurologue de Carpentras, certains actes ayant déjà atteint leur tarif cible.

Patron d’Avenir Spé, majoritaire parmi les spécialités sur plateaux techniques lourds, le Dr Patrick Gasser confirme l’imbroglio. « Certains actes ayant déjà atteint leur valeur cible, voire dépassé cette valeur, n’ont pas été revalorisés. Mais cela pénalise les actes qui n’ont pas été revalorisés depuis très longtemps alors que les charges ont augmenté. Il faut que la Cnam explique sa méthode de calcul », s’agace le gastroentérologue de Nantes.

Inégalité de traitement ?

Sollicitée par Le Quotidien, l’Assurance-maladie confirme cette situation variable de la grille des actes techniques avec une réponse à la fois précise et technique. « Le facteur de conversion (monétaire) entre dans la formule qui définit le tarif des actes CCAM », rappelle la Cnam. Ensuite, « certains actes CCAM qui avaient un tarif supérieur au tarif issu de cette formule, intégrant cette revalorisation, n’ont donc pas fait l’objet d’une revalorisation. Et d’autres actes n’ayant pas de coefficient de charge validé conventionnellement, qui entre également dans cette formule de calcul de tarifs, n’ont également pas été revalorisés », ajoute l’Assurance-maladie sans préciser le nombre d’actes concernés sur l’ensemble de la grille. En tout état de cause, il ne s’agit donc pas d’une revalorisation générale des actes. En parallèle, précise-t-elle, les travaux sont en cours pour réviser en profondeur les 13 000 actes techniques de la nomenclature CCAM et proposer une nouvelle hiérarchie.

Mais sans attendre, les syndicats de spécialistes appellent la Cnam à « corriger l’inégalité de traitement des actes CCAM », à la faveur d’un premier avenant tarifaire. « Nous ne voulons pas de spécialistes perdants », synthétise le Dr Perrouty. Quant à la FMF Spé, elle appelle de ses vœux une réévaluation de « tous » les actes techniques, en attendant la refonte de la nomenclature annoncée pour 2026.


Source : Le Quotidien du Médecin