Faut-il inventer un C à géomêtrie variable ou proposer des CDD aux acteurs de santé ? Doit-on organiser à grande échelle un transfert de compétences du généraliste vers les paramédicaux ou accorder un droit à dépassement pour tous les praticiens de ville ? Les dix propositions que nous présentons sont peut-être trop téméraires pour être retenues par la mission Legmann. Toutes ont en commun de secouer avec vigueur le cocotier du système de soins libéral. Visite guidée des pistes pour réformer les règles du jeu. Des plus audacieuses aux plus radicales...
Comme à son accoutumée, le Président avait demandé de faire vite. Dans sa lettre de mission au président du Conseil de l’Ordre le 3 février, Nicolas Sarkozy avait souhaité un « état de lieux » et des « préconisations » afin d’envisager « une refondation de la médecine libérale » pour la fin mars. Las! Le délai s’est révélé impossible à tenir pour les quinze experts qui entourent Michel Legmann. La commission qui se réunit tous les mardis au ministère de la Santé n’a pas encore terminé ses auditions. Les jeunes sont particulièrement écoutés. « Je veux d’abord comprendre d’où vient ce spleen des jeunes par rapport à l’installation » indique Yves Bur, l’un de ses membres, qui rappelle que sa génération de profession libérale « avait hâte de s’installer ». « Les jeunes sortent d’une formation hospitalo-centrée, ils ont besoin de s’immerger dans la vraie vie du généraliste » analyse le député UMP du Bas-Rhin, qui s’amuse de passer au sein de la commission « pour celui qu’il faut convaincre à tout prix ». « Le désenchantement professionnel auquel on assiste n’est pas propre aux médecins. Comme dans d’autres professions les futurs médecins n’envisagent pas d’avoir une carrière libérale, analyse encore Yves Bur.» Parfois considéré comme la bête noire des syndicats médicaux, Yves Bur n’est pas toujours tendre avec les libéraux. « Quand dans une profession, les anciens ne cessent de se plaindre, il ne faut pas s’attendre à ce que les jeunes soient emballés par la carrière qu’on leur propose, dit-il. C’est ce que j’appelle le syndrome agricole : manifester son mécontentement et se lamenter qu’il n’y ait pas de relève ». Bien que la question de la tarification ne fasse pas partie de l’énoncé du problème, la mission semble s’intéresser beaucoup aux possibilités de diversifier les modes de rémunération, comme les modes d’exercice de manière générale.
De manière plus périphérique, l’affaire « playmobils et sacs et main » (lire Le Généraliste du 26 février 2010) n’a pas fini de faire des remous. Le très controversé président du CISS fait toujours partie de la commission. En réponse, le 10 mars dernier, la CSMF et le SML ont lancé une sorte de « contre commission Legmann », observant par ailleurs qu’« elle est illégitime car composée pour grande partie d’anti-libéraux et excluant la représentativité syndicale ». La « plateforme commune sur l’avenir de la médecine libérale » qu’elles ont décidé de mettre en place sera ouverte « à toutes les spécialités médicales, aux autres libéraux de santé, aux Ordres, et aux associations de patients.» Avec «un calendrier de travail très resserré et dense afin de permettre de déboucher sur des résultats avant l’été».
Les conclusions de la mission Legmann seront lues avec attention à l’Élysée. Elles ne devraient pas donner naissance à une nouvelle loi, mais alimenter les décrets d’application de la loi HPST, être traduites dans le prochain PLFSS ou servir de base de négociations en vue de la prochaine convention, à condition d’être suffisamment consensuelles. À vrai dire rien ne presse vraiment. Selon nos informations, le cabinet de la ministre de la Santé n’envisage plus que les élections aux URPS puissent se tenir avant la rentrée. En outre, si le ministère devait changer de locataire après les élections régionales, les cartes pourraient être une fois de plus rebattues.
Dans ce contexe, le moment nous a semblé tout trouvé pour donner la parole à dix experts connus pour leurs positions souvent iconoclastes. Les dix propositions que nous présentons ne sont pas toutes récentes. Certaines sont marquées du sceau du libéralisme, d’autres plus interventionnistes. Mais toutes ont en commun d’être en rupture avec le modèle actuel et d’avoir suffisamment effrayées jusque-là pour avoir été confinées à l’état de projet. Et si l’heure des bouleversements avait vraiment sonnée ?