Le visage de la douleur des seniors – principalement les plus de 75 ans – a changé. Alors que la douleur chronique augmente fortement, la douleur aiguë n’a pas disparu pour autant avec, pour cette dernière, une prévalence de 5% quel que soit l’âge. Les données révèlent une augmentation de la douleur chronique avec l’avancée en âge : elle concerne 7 à 20% de la population jeune pour atteindre 20 à 80% entre 50 et 65 ans avec un plateau vers l’âge de 70 ans. « Du fait de la fréquence des douleurs dans cette population, il est important de prendre en compte les modifications de perception douloureuse chez la personne âgée et ses atypies d’expression », prévient le Dr Pascale Lescure (gériatre, CHU de Caen). En effet, les modifications neurophysiologiques liées à l’âge touchent toutes les zones d’intégration de la douleur et se répercutent sur la perception douloureuse (discrimination moins fine de la douleur, modification du seuil de perception, délai plus long de disparition de la douleur…). « L’expression douloureuse prend une symptomatologie d’emprunt à type de troubles psycho-comportementaux (troubles du sommeil, confusion, agitation, agressivité, anorexie, apathie, voire installation d’une humeur dépressive), ajoute-t-elle. Ainsi, toute modification brutale du comportement doit amener à rechercher une symptomatologie douloureuse, toute cause organique ayant été écartée, bien entendu. »
L’antalgie à doses filées
Que la douleur nociceptive soit aiguë ou chronique, les paliers de l’OMS régissent la prescription antalgique, à quelques précautions près en gériatrie. « Je citerais neuf règles de bonne prescription, énumère Pascale Lescure : privilégier toujours le traitement étiologique, tenir compte des comorbidités et des coprescriptions. Connaître le poids, la fonction rénale et l’état nutritionnel sont des prérequis indispensables. Puis, toujours débuter le traitement antalgique à faible posologie, augmenter progressivement les doses, privilégier la voie orale sans négliger de réévaluer régulièrement l’indication, l’efficacité et la tolérance du traitement.?» Enfin, deux aspects sont essentiels dans cette population âgée : recourir à l’ensemble des prises en charge non médicamenteuses, le matériel médical (orthèses, ergothérapie..), par exemple, en étant attentif à une bonne installation et employer, quand c’est possible, le protoxyde d’azote, dans le cadre du changement des pansements par exemple.
Privilégier le paracétamol
Concernant les paliers de l’OMS, au niveau I on privilégiera le paracétamol. « Il n’y a pas lieu d’utiliser l’aspirine (risque de toxicité, de syndrome hémorragique) », conseille Pascale Lescure. De même, les AINS doivent être évités au maximum du fait non seulement du risque d’interactions médicamenteuses chez ces personnes souvent polypathologiques et polymédicamentées, mais aussi du fait des risques iatrogènes (syndrome hémorragique, insuffisance rénale aiguë, décompensation cardiaque).
A propos des antalgiques de palier II, le Département Filière gériatrique du CHU de Caen utilise régulièrement le tramadol à très faible posologie. En effet, en collaboration avec l'équipe mobile Douleur et Soins Palliatifs, ils ont constaté qu’en utilisant chez le sujet âgé la forme pédiatrique en solution buvable conjointement au paracétamol, des doses infimes de tramadol procuraient un effet antalgique satisfaisant sur des douleurs aiguës sans qu’apparaissent les effets indésirables les plus fréquents. Cette étude présentée au congrès de la Société Française de Gérontologie et Gériatrie en octobre dernier « révèle qu’une antalgie efficace est obtenue avec 62,5mg/j répartis en 3 à 4 prises (en association au paracétamol), ce qui est loin des posologies habituellement prescrites, précise le Dr Lescure, investigatrice principale de cet essai conduit chez 49 patients en court séjour gériatrique. La survenue d’effets indésirables majeurs (imposant l’arrêt du traitement) n’a concerné que 10 % des patients (vs 21 % dans la littérature) ».
Quant au palier III regroupant les morphiniques, la règle est de toujours débuter à la plus faible posologie (2,5 à 5 mg/j de morphine orale toutes les 4 à 6 h) en augmentant progressivement les doses et en préférant, quand c’est possible, la voie orale à l’injectable.
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