Pour le Dr Danièle Lefebvre-Kunz (hôpital Oscar-Lambret, Lille), « dans les douleurs neuropathiques d’origine cancéreuse, il faut bien faire la part des choses entre l’évolution tumorale et la séquelle des traitements anticancéreux, donc mener une recherche étiologique rigoureuse ». Pour les douleurs en rapport avec un cancer évolué, il faut arriver à faire le diagnostic de la composante neuropathique qui est d’autant plus difficile que le patient est âgé et qu’il s’exprime difficilement. Parfois le malade ne comprend pas la question ou n’a plus le vocabulaire pour bien préciser les caractéristiques de la douleur. L’évaluation passe par l’examen neurologique qui n’est pas spécifique à 100 %. On peut s’aider de l’échelle validée DN4, non spécifique et non sensible à 100 % pour la personne âgée. Il y a de nombreux items qui entrent dans l’interrogatoire habituel mais la fiabilité n’est pas totale puisqu’on estime une marge d’erreur de 20 % par défaut et par excès. Nombreuses sont les douleurs complexes en cancérologie qui ont une participation neuropathique. Parfois, l’essai réussi d’un traitement antalgique permet de valider a posteriori l’origine neuropathique de la douleur.
La tolérance comme boussole
Dans l’arsenal thérapeutique, on dispose des anti-épileptiques et des anti-dépresseurs, voire de la combinaison des deux. La spécificité du sujet âgé s’exprime dans sa vulnérabilité à l’impact cognitif et dans sa tolérance généralement moins bonne que chez le sujet jeune.
Il faut commencer par des doses très faibles, soit un quart de la posologie standard. « On augmente de cette même posologie toutes les semaines pour arriver à la dose efficace sur la douleur », affirme le Dr Danièle Lefebvre-Kunz. La posologie est progressivement augmentée jusqu’à atteindre une bonne efficacité antalgique sachant que la dose efficace pour la prégabaline est d’environ 75 mg deux fois par jour (il s’agit de la dose de départ pour les patients plus jeunes). Le juge de paix est la tolérance et il faut rester très attentifs à la survenue de troubles cognitifs, de vertiges, d’étourdissement, de somnolence qui nécessitent une réévaluation du traitement. « Chez la personne âgée, on redoute les troubles de l’équilibre et c’est pour cette raison que l’on a retiré le clonazepam qui était prescrit largement dans des douleurs possiblement neuropathiques », a commenté la spécialiste.
Les antidépresseurs sont en deuxième ligne car ils sont difficiles à manier. Il faut vérifier l’absence de contre-indications, notamment de troubles du rythme cardiaque et les troubles sphinctériens chez l’homme. La aussi, la stratégie est de type « start low, go slow » en trouvant le délicat équilibre entre le niveau d’antalgie et le niveau d’intolérance. Leur action sur la composante anxieuse est aussi intéressante dans l’obtention de l’effet antalgique.
Tenir compte de la tumeur en cause
Lorsque les douleurs ont une localisation définie, les topiques d’anesthésiques locaux sont en première ligne avec les emplâtres de lidocaïne et les patchs de capsaïcine. Lorsqu’ils sont efficaces, ils ont l’avantage de procurer une antalgie locale sans effet indésirable d’ordre général. Il faut aussi tenir compte de la tumeur en cause, des infiltrations nerveuses ou de l’envahissement des plexus. Il faut être attentif aux signes d’orientation mais, en aucun cas, on n’agit par alcoolisation nerveuse sur des douleurs d’origine neuropathique. Dans les cas de douleurs très localisées, la neurostimulation est également possible sauf en cas d’allodynie. On peut par exemple discuter d’une neuro-stimulation dans les cas de douleurs séquellaires d’un curage axillaire. Dans les cas d’intolérance et de douleurs de forte intensité de localisation sous-diaphragmatiques, il est possible de proposer une antalgie intrathécale.
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