Après l’Androcur, d’autres mis en causes

Que reste-t-il de nos progestatifs ?

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Publié le 17/11/2020

Les alertes sur le risque de méningiomes sous progestatifs doivent faire limiter ceux-ci à leur strict AMM, informer la patiente et procéder à une évaluation régulière.

Les premières alertes remontent à 2009

Les premières alertes remontent à 2009
Crédit photo : phanie

Après l’incrimination de l’acétate de cyprotérone (Androcur et génériques) dans la survenue de méningiomes, c’est au tour de l’acétate de nomegestrol (Lutényl et génériques) et de l’acétate de chlormadinone (Lutéran et génériques) de passer sous les fourches caudines de l’ANSM pour les mêmes raisons. Elle lance ces jours-ci une enquête publique sur le sujet. Le journal « Le Monde » a semé la confusion auprès du grand public en parlant de « pilules » devant être retirées du marché !

Les progestatifs sont des molécules de synthèse ayant la même action sur l’endomètre que la progestérone naturelle. Ils ont également, selon la molécule utilisée, une action antigonadotrope, antiandrogénique voire antiminéralocorticoïde.

Des indications déviées

L’acétate de cyprotérone a été utilisé pour ses effets anti-androgéniques. Ses indications premières sont les hirsutismes féminins majeurs d’origine non tumorale et les syndromes des ovaires polykystiques (SOPK), s’ils ont un retentissement très important sur la qualité de vie de ses femmes. Ils sont également utilisés chez l’homme comme traitement palliatif des cancers de la prostate.

Ces indications ont été déviées, et l’acétate de cyprotérone a été souvent utilisé pour traiter l’acné et certains hirsutismes légers.

Selon les prescriptions, la dose employée était de 100 ou de 50 mg/jour. La version contraceptive a été Diane 35, associant 35 µg d’éthinylestradiol à 2 mg d’acétate de cyprotérone. Si celle-ci ne semble pas être à l’origine de ces tumeurs, il n’en est pas de même pour les associations utilisant des doses plus fortes. La Pr Nathalie Chabbert-Buffet (Paris) a regretté que l’industrie pharmaceutique n’envisage pas de mettre à disposition des comprimés de posologie plus faible.

Une surveillance rapprochée

L’agence française et l’agence européenne ont émis des recommandations similaires : respect de l’AMM dans les indications, prescription de la dose minimale efficace, réévaluation annuelle de la balance bénéfices risques. Les prescriptions pour acné, séborrhée ou pilosité sont à bannir. Par ailleurs l’utilisation d’acétate de cyprotérone est contre-indiquée chez les patientes présentant un méningiome ou un antécédent.

Des recommandations ont été émises concernant la surveillance des patientes traitées. La surveillance sera clinique, mais surtout radiologique : une IRM en début de traitement suivie le cas échéant d’un contrôle à 5 puis 7 ans. En cas d’arrêt du traitement, l’IRM n’est pas nécessaire.

Macroprogestatifs

L’acétate de chlormadinone et l’acétate de nomegestrol ont également été mis en cause, dès 2019. Prescrits notamment en cas d’endométriose, de ménométrorragies, de troubles des règles, ces « macroprogestatifs » ont souvent été utilisés hors AMM, notamment en contraception chez certaines patientes à risque cardiovasculaire.

Le risque de survenue d’un méningiome associé à ces progestatifs augmente en fonction de la durée du traitement, de la dose prescrite et de l’âge de la patiente. Il est multiplié par 3,3 pour un traitement par acétate de nomegestrol de plus de 6 mois ; par 3,4 dans les mêmes conditions en cas d’acétate de chlormadinone. Ce risque est encore multiplié par 3 chez les femmes de plus de 35 ans.

Pour L’ANSM, 100 cas par an de méningiomes seraient liés à ces traitements.

Comme pour l’Androcur, il faut informer du risque, évaluer une fois par an la balance bénéfices-risques, limiter dans la mesure du possible la durée d’utilisation et la posologie. Au moindre doute, une IRM doit être prescrite. Si la patiente a moins de 35 ans, il n’est pas utile de demander une IRM avant toute initialisation de traitement pour une durée potentiellement courte. En revanche, après 35 ans, il faut demander une IRM avant traitement, de même si celui-ci a été suivi depuis plus de 5 ans.

Et les autres progestatifs ?

Se pose le problème de la prescription d’autres progestatifs, comme le diénogest, ou de celle d’estroprogestatifs utilisant les macroprogestatifs incriminés. Pour le moment, on ne sait rien sur le rôle éventuel des pilules comme Belara (acétate de chlormadinone + éthinylestradiol) ou Zoely (17 béta estradiol + nomégestrol acétate).

Pour les « pilules habituelles » le centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Strasbourg a publié un rapport en 2019, concluant que l’exposition de plusieurs millions de femmes-années n’était pas liée à l’apparition de méningiomes.

Quant au diénogest, son arrivée récente sur le marché français dans le traitement de l’endométriose ne permet pas encore d’en connaître les inconvénients ; il s’agit certainement d’une alternative à envisager sous surveillance.

Alors, doit-on arrêter tout traitement par progestatifs, notamment en cas d’endométriose ? Les remplacer par les analogues de la LH-RH ou élargir les indications de la cœliochirurgie ? Cela ne paraît pas justifié aujourd’hui.

Session « Quelle place reste-t-il aux progestatifs ? »

Dr Lydia Marié-Scemama

Source : Le Quotidien du médecin