L’allergie aux drogues et stupéfiants illicites est rarement rapportée dans la littérature.
Pourtant, ces dernières années, on semble assister à une hausse considérable de leur prévalence, en particulier pour l’allergie au Cannabis sativa (chanvre indien à ne pas confondre avec le chanvre agricole !). En 2009, le chiffre global de consommateurs illicites de cannabis est estimé entre 125 et 203 millions de personnes, soit 2,8 à 4,5 % de la population mondiale entre 15 et 64 ans.
Les descriptions d’allergie IgE-dépendante au chanvre indien parmi les consommateurs illicites sont rares. Les symptômes peuvent être respiratoires à type de rhinoconjonctivites associées ou non à un angio-œdème palpébral, ou d’asthme pouvant parfois être grave. Ces symptômes respiratoires sont surtout retrouvés chez les fumeurs de marijuana puisque l’allergène est aéroporté. Ce même allergène aéroporté pourrait constituer une cause de sensibilisation passive, ce qui a récemment été suggéré chez un enfant de 5 ans (1).
Les symptômes cutanés peuvent être immédiats : urticaire et angio-œdème à la suite du contact de la plante avec la peau ou les muqueuses (lèvres et paupières). Des anaphylaxies ont été observées après l’ingestion de graines de cannabis (2) ou en buvant du thé de marijuana (3).
L’exposition au pollen de cannabis pourrait être à l’origine de symptômes respiratoires comme une rhinoconjonctivite ou un asthme pollinique. En France, les comptes polliniques du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) révèlent la présence de pollen de cannabis de fin juillet à la mi-août principalement à Aix-en Provence, Grenoble, Bourgoin, Mâcon, Roussillon et Strasbourg, ainsi qu’en octobre à Ajaccio (4).
Jusqu’à l’anaphylaxie
Enfin, depuis quelques années, un nombre croissant d’allergiques au cannabis souffre d’allergies croisées. Ce syndrome, que l’on pourrait appeler le « syndrome cannabis–fruits/légumes » impliquerait une protéine identifiée comme le Can s 3 (protéine de transfert de lipides ou LTP) qui se manifesterait par des réactions généralisées telles qu’urticaire, dyspnée et anaphylaxie.
Une sensibilisation au cannabis pourrait éventuellement engendrer une réactivité croisée avec des céréales, des boissons alcoolisées (bière et vin), le latex d’Hévéa et le tabac.
Le diagnostic d’allergie au cannabis semble reposer sur la réalisation de prick-tests effectués avec une partie de la plante (fleur, tige, feuille et/ou des extraits [artisanaux pour la plupart]). Jusqu’à présent il n’y a pas de test de dosage d’anticorps IgE spécifiques commercialisé. Mais dans une série rapportée par le Dr Didier Ebo (université d’Anvers) [1], un prototype à base d’un extrait natif de chanvre agricole a été utilisé. Si ce test semble discriminatif entre les patients allergiques au cannabis et les individus contrôlés sains, il est possible que des faux positifs existent à cause d’une sensibilisation sous-jacente à des protéines allergéniques contenues dans le cannabis.
Des tests d’histaminolibération et d’activation de cellules basophiles par cytométrie de flux avec des extraits de marijuana ont également permis d’établir le diagnostic (1).
D’après la communication du Dr Didier Ebo, université d’Anvers
*Le cannabis est un terme générique pour toutes les préparations (marijuana, haschisch, huile de haschisch) dérivées de Cannabis sativa (ordre des Rosacés, famille des Cannabaceae)
(1) Ebo DG et al. New food allergies in a European non-Mediterranean region : is Cannabis sativa to blame? Int Arch Allergy Immunol. 2013;161(3):220-8
(2) Stadtmauer G et al. Anaphylaxis to ingestion of hempseed (Cannabis sativa). J Allergy Clin Immunol. 2003 Jul;112(1):216-7
(3) Tessmer A et al. Berlin N, Sussman G, Leader N, et al. Hypersensitivity reactions to marijuana. Ann Allergy Asthma Immunol 2012;108:282-4
(4) Anselme A et al. Allergie aux stupéfiants. Rev Fr Allergol 2011; 51:548-52
Article précédent
La famille biothérapies s’agrandit
Article suivant
Des règles simples avec les corticoïdes
La bible des allergiques
Attention aux allergènes
Plusieurs agents sont impliqués
Les tests épicutanés sont incontournables
La famille biothérapies s’agrandit
Le cannabis, un allergène stupéfiant
Des règles simples avec les corticoïdes
La dermatite atopique : alimentaire, ou non?
L’immunothérapie spécifique chez l’enfant atopique
Un objectif : augmenter le seuil de réactivité
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points