Qu’il s’agisse du psoriasis, du mélanome, de la maladie de Verneuil, des maladies bulleuses ou de l’urticaire chronique, c’est l’arrivée massive des biothérapies qui aura occupé le devant de la scène en dermatologie au cours de l’année écoulée. Grâce aux différents traitements systémiques, notamment les biothérapies, il est possible désormais d’obtenir un blanchiment total des lésions chez un grand nombre de patients atteints de psoriasis sévères. « Les progrès sont si importants que le critère de jugement dans les nouvelles études n’est plus le PASI 74 (diminution des lésions sur 75% de la surface cutanée atteinte), mais le PASI 90 voire 100 », affirme le Pr Jean-Luc Schmutz (CHU de Nancy) aux Journées dermatologiques de Paris.
Le règne des « mab »
Parmi les biothérapies classiques, l’infliximab serait la plus active, l’adalimumab et l’ustékinumab auraient une efficacité similaire. Une enquête menée auprès de 106 malades traités par biothérapies a montré des résultats très positifs à 3 mois et à 6 mois en terme d’efficacité, de comorbidité et de satisfaction globale. L’ustekinumab serait particulièrement efficace sur les onychomycoses psoriasiques. Des questions demeurent cependant en suspens, relatives aux durées de traitements conditionnées par la probabilité de rechute à l’arrêt des biothérapies ainsi qu’au risque d’apparition secondaire d’anticorps.
De manière générale, l’apparition d’anticorps dépend de facteurs génétiques et pharmacocinétiques, du type de psoriasis (ancienneté et sévérité) et des intervalles entre les injections.
Côté recherche, les anti-IL 17 sont aujourd’hui au cœur de l’actualité dans la prise en charge du psoriasis avec trois molécules dont le développement est très avancé (secukinumab, ixekizumab et brodalumab). La réponse PASI 90 semble, grâce aux anti-IL17, être le nouvel objectif thérapeutique pour les années à venir.
Progrès sur le mélanome
Aux côtés du psoriasis, le mélanome métastatique se taille cette année encore la part du lion. Les combinaisons inhibiteurs BRAF et MEK en phase 3 montrent un avantage en survie sans progression. L’immunothérapie, avec les anti-PD1 (programmed cell death protein 1), permet un taux de réponse de 30% à 40%. Ces résultats communiqués à l’ASCO en juin dernier et confirmés plus récemment à l’ESMO, ont abouti à l’obtention d’une ATU pour le pembrolizumab et le nivolumab. Bien moins sévère mais potentiellement invalidante, l’urticaire chronique idiopathique résistant aux anti-histaminiques peut bénéficier de l’efficacité de l’omalizumab avec réduction prolongée du prurit.
La même molécule a été utilisée avec un certain succès dans la pemphigoïde bulleuse. Le carcinome baso-cellulaire du visage bénéficie désormais d’une thérapie néo-adjuvante de réduction de taille avant chirurgie grâce au vismodegib. Le bémutate d’ingenol raccourcit la durée de traitement local de la kératose actinique à deux ou trois jours. La rosacée est mieux prise en charge avecla mise sur le marché de la brimonidine.
La gale ne régresse pas
Si la gale est sous les feux de la rampe depuis quelques années déjà, l’absence de signaux en faveur de sa régression reste problématique. Pour le Pr Olivier Chosidow (président de la Société Française de Dermatologie, CHU Henri- Mondor, Créteil) plusieurs raisons expliquent le phénomène, parmi lesquelles « les traitements actuels, qui ne sont pas suffisamment efficaces pour détruire les œufs vivants. Il faut donc renouveler l’application ou l’administration de la dose une semaine plus tard. Et si on prescrit de l’ivermectine, il faut donner la bonne dose au milieu des repas et la renouveler après une semaine ». Par ailleurs, les antiparasitaires efficaces sont régulièrement en rupture de stock, comme l’ascabiol qui est le traitement local de référence en France.
Et les gales les plus inquiétantes, celles qui surviennent en institution, font rarement l’objet du protocole correct de prise en charge. « Il faut isoler le cas index, et traiter simultanément de manière optimale tout le personnel en contact direct avec le patient car la gale peut être asymptomatique ». Un protocole qui souffre d’une mise en application insuffisante.
Allergènes : la MIT pointée du doigt
Enfin, sur le front des allergènes, la méthylisothiazolinone (MIT) est pointée du doigt par les experts en raison d’une augmentation alarmante des cas de sensibilisation à ce produit. Ce conservateur très ubiquitaire est
retrouvé dans de nombreux produits cosmétiques ou d’hygiène (crèmes, shampoings, lingettes pour bébé…), mais aussi dans des produits ménagers courants et des produits professionnels.
Une étude multicentrique française a mis en évidence que le nombre de patients sensibilisés à la MIT a plus que triplé en 3 ans, passant de 1,5 % en 2010 à 3,3 % en 2011 et 5,6 % en 2012. L’exposition aéroportée aux isothiazolinones est à l’origine de présentations cliniques très variées touchant aussi bien les travailleurs (bâtiment, textile, papier, métallurgie) que les particuliers.
L’usage des lingettes pour bébés est déconseillé
Il peut s’agir d’allergies de contact du visage ou des mains, d’eczémas des parties découvertes, mais également de dermatites généralisées ou d’asthme. Une attention toute particulière doit être portée sur le risque de sensibilisation de très jeunes enfants avec l’utilisation de lingettes nettoyantes dont l’utilisation quotidienne doit être déconseillée. Le port des couches favorise en effet la macération de ces produits non rincés sur une peau très fine à cet âge, majorant encore les risques de sensibilisation et exposant l’enfant à la survenue d’un eczéma du visage ou du siège avec de possibles réactivations lors d’expositions ultérieures à la MIT.
La polémique : soigner malgré les ruptures de stock...
Selon les données de l’ANSM au 30 octobre 2014, plus de 200 dossiers de rupture de produits et près de 550 ruptures d’approvisionnement sont répertoriés. La dermatologie a été frappée de plein fouet par ces difficultés d’approvisionnement. Ainsi, la pénurie d’ascabiol pour traiter la gale est liée à l’arrêt de l’unique production par l’Inde du sulfiram, qui entre dans la composition de la formule française du produit. Il en est de même pour les tétracyclines très utilisées dans le traitement de l’acné et dont l’unique site de production asiatique de doxycycline ne peut répondre à la demande mondiale, entraînant des difficultés importantes d’approvisionnement.
Des alternatives thérapeutiques sont proposées comme l’Antiscabiosum® Enfants issu de l’AMM allemande (mais qui ne correspond pas aux données actuelles de la science et à l’expérience clinique) ou le Spregal®, mais leur efficacité semble moindre et l’application sous forme de spray reste limitée chez le petit enfant ou les sujets présentant des difficultés respiratoires. Un gel de perméthrine à 5 %, autorisé seulement dans certains pays européens pour l’instant, devrait être commercialisé en France début 2015. L’Extencilline®, pénicilline retard dont la commercialisation a été arrêtée en France, est ainsi importée d’Italie, mais son utilisation est plus complexe. Ces médicaments importés ne sont dispensés qu’au sein des pharmacies hospitalières obligeant donc les patients à venir s’approvisionner à l’hôpital.
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