Les nouveaux antiviraux directs (AAD) constituent une véritable révolution thérapeutique en permettant de guérir 90 % des patients atteints d’hépatite C en trois mois, quel que soit leur phénotype. Un progrès tel que les hépatologues au printemps dernier évoquaient la possibilité d’une éradication de l’hépatite C en 2024. Seul bémol de taille à cette avancée inespérée : le coût très élevé de ces biothérapies, estimé en début d’année à 90 000 euros la cure de 12 semaines… Et ce prix impliquait inévitablement de réserver ce traitement aux formes les plus avancées d’hépatite. C’est donc au terme de négociations serrées, que les pouvoirs publics ont fini par négocier à 41 000 euros maximum la cure de 12 semaines de sofosbuvir, soit le tarif le plus bas d’Europe. Un prix qui permet de traiter 15 000 patients par AAD chaque année sans risquer de ruiner totalement l’Assurance Maladie. Le sofosbuvir, était jusqu’ici réservé aux stades F3 et F4 et aux patients co-infectés par le VIH, mais un décret paru aux JO le 4 novembre étend ses indications aux patients F2 comme l’avait préconisé le rapport Dhumeaux en avril dernier.
Reste qu’à peine né, le sofosbuvir doit être associé – selon le profil génétique du patient – à un autre AAD pour être efficace. « On devrait disposer en janvier d’un traitement associant deux molécules – sofosbuvir et ledipasvir – dans une seule gélule pour un moindre coût », assure le Dr Hervé Hagège (CHI de Créteil). Les schémas thérapeutiques utilisant les AAD ont été validés par les recos de l’AFEF (Association Française d’études sur le Foie) suivies un mois plus tard par celles de la HAS. Mais d’autres molécules comme le daclatasvir ou le simeprevir devraient arriver sur le marché, modifiant les stratégies d’association thérapeutique. Il est sans doute prématuré de parler d’éradication à court terme de l’hépatite C, les stades F0 et F1 ne bénéficiant pas de ces nouveaux traitements et de nombreux porteurs du VHC ignorant leur statut sérologique. Aussi l’espoir d’éradiquer l’hépatite C, reste suspendu à la condition d’un dépistage de tous les sujets à risque tel que recommandé.
H.Pylori toujours problématique
L’autre nouveauté majeure de l’année, porte sur H. pylori qui doit être recherché et éradiqué chez les populations à haut risque de cancer gastrique. L’augmentation des résistances à la clarithromycine a amené la HAS et la Société Française de Gastro-Entérologie à préconiser comme traitement probabiliste de première ligne l’antibiothérapie séquentielle de 10 jours ou la quadrithérapie bismuthée. « Ces traitements ne sont cependant pas efficaces à 100 % et l’éradication de l’HP doit être impérativement vérifiée par des tests invasifs ou non, et le patient informé de la nécessité de ce contrôle », insiste le Dr Hagège. Dans le même ordre d’idée, si le RGO peut maintenant être aisément traité à la demande lorsqu’il est épisodique, il faut rester très vigilant quand il devient chronique avec une surveillance accrue pour repérer l’apparition d’une œsophagite peptique et, surtout, d’un endobrachyœsophage à risque de transformation cancéreuse.
Progrès en endoscopie digestive
Une nouvelle technique endoscopique, POEM (Per Oral Endoscopique Myotomie) se substitue à la chirurgie pour réaliser une myotomie dans l’achalasie ou mega-œsophage avec une remarquable efficacité. L’HAS a aussi validé la radiofréquence pour le traitement des cancers superficiels de l’œsophage TO et T1. Ces techniques innovantes très onéreuses ne figurent pas encore dans la nomenclature et on attend leur remboursement.
MICI : de nouvelles molécules
Après l’ère des anti-TNF qui ont nettement amélioré le pronostic des MICI, on dispose de nouvelles molécules comme les anti-intégrines. Ainsi le védolizumab, qui a l’AMM en cas d’échec ou d’intolérance aux anti-TNF, mais son prix étant encore en discussion, il n’est actuellement pas remboursé et n’est utilisé à l’hôpital que grâce à des donations. D’autres anti-intégrines sont en phase III, de même que l’ustékinumab, déjà commercialisé dans les formes cutanées ou rhumatologiques du psoriasis et qui pourrait bénéficier d’une ATU.
Le microbiote intestinal, un organe acquis au rôle majeur
L’implication du microbiote dans diverses pathologies digestives ou non se confirme et la dysbiose pourrait en partie expliquer la susceptibilité individuelle aux pathologies hépatiques liées à la consommation d’alcool. La transplantation de microbiote dans la colite à Clostridium difficile récidivante ou grave est, depuis la parution d’une étude dans le NEJM en 2013, pratiquée dans de nombreux centres. « Cette technique est sortie du domaine de la recherche pour entrer dans celui du soin. Elle est encadrée par l’ANSM qui a fixé des conditions de sécurité très contraignantes, mais il serait souhaitable d’établir des recommandations nationales afin d’homogénéiser la pratique de la transplantation du microbiote intestinal. Elle pourrait être élargie à d’autres indications, et un essai thérapeutique devrait être lancé dans les MICI. »
L’utilisation des probiotiques constitue une piste intéressante et les nouvelles recos de l’ESPGHAN (Société Européenne de Gastro-Entérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatrique) valident le recours aux probiotiques (4 souches ont été retenues) dans la prise en charge de la gastro-entérite de l’enfant en complément du SRO.
Dans les autres indications, les essais sont jusqu’ici assez décevants mais la piste est loin d’être abandonnée. « Ils pourraient avoir une place dans des pathologies comme les MICI, mais on n’a peut-être pas encore identifié les bactéries adéquates, explique le Dr Hagège. On sait, par exemple, que la présence d’une bactérie isolée après résection iléo-cæcale pour maladie de Crohn est associée à une diminution du nombre de récidives. Cette bactérie sécrète une protéine qui pourrait avoir un rôle protecteur et on peut imaginer des thérapeutiques basées soit sur la production de la bactérie, soit sur la synthèse de cette protéine. »
La polémique : ?Interrogations sur le domperidone
Alors que Prescrire lançait une alerte sur le risque d’effets indésirables graves cardiaques inhérent aux spécialités à base de dompéridone, ces médicaments faisaient déjà l’objet d’une réévaluation européenne. Au final, seules les plus fortement dosées ont été retirées du marché et l’ANSM a émis des recos encadrant sa prescription. « On a prescrit très largement le domperidone pendant des années. Les accidents sont certes exceptionnels mais le risque existe. Comme il ne s’agit pas d’une thérapeutique majeure dans le RGO, il est souhaitable d’en limiter la prescription et d’en rester aux IPP et aux pansements gastriques », note le spécialiste.
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