Trois ans après sa mise en place, le parcours de soins n’a pas fondamentalement modifié les relations entre les généralistes et les spécialistes. Mais il a créé davantage de « paperasse », un sujet de perpétuel agacement pour les médecins traitants.
Depuis février, la case « médecin traitant » est un passage de plus en plus obligé pour qui veut être correctement remboursé. Le « hors parcours » n’est en effet plus pris en charge qu’à hauteur de 30 %. « Je préférerais que cette mesure ne rapporte rien du tout, avait précisé en septembre Roselyne Bachelot. Le véritable but est que tous les assurés finissent par choisir un médecin traitant et respectent le parcours de soin ». Mais qu’en pensent les principaux intéressés eux-mêmes ? Ce n’est qu’à une courte majorité (54 %) que les généralistes se disent satisfaits du dispositif tandis qu’un tiers (32 %) y est toujours franchement hostile. Le Dr Damien Dollat du Doubs est « d’accord avec le principe mais pas avec le passage obligé par le généraliste sous peine de sanction financière qui pénalise les bas revenus et prend le généraliste en otage ». Alors que l’assurance-maladie se félicite régulièrement que le parcours est largement respecté, les généralistes, sur le terrain, constatent des petits arrangements. « Je pense que les spécialistes détournent le système en cochant systématiquement la case parcours coordonné même si le patient est en accès direct, de crainte de le pénaliser, » analyse le Dr Yves Abitteboul de Cahors.
Du coup, on ne sera pas étonné que pour l’écrasante majorité des médecins traitants (85 %), rien n’a rien fondamentalement changé dans les relations avec les spécialistes. « Le parcours de soins, a actualisé une démarche pratiquée de longue date » juge le Dr Pierre Hémon de Lannion. Si ce n’est de la paperasse en plus. Ce dont vos courriers rendent abondamment compte : « le circuit du médecin traitant m’horripile quand les malades téléphonent pour me demander un bon pour faire brûler une verrue puis viennent sonner à la porte pour le chercher ! » raconte le Dr Isabelle Thomas-Suty. De Senlis, le Dr Bernard Mouly fait le même constat amer : « Nous finissons par devenir des secrétaires qui rangent les comptes-rendus dans les dossiers de nos patients ».
Les spécialistes aident très rarement les médecins traitants à remplir les protocoles de soins : les deux tiers des généralistes ne les sollicitent jamais. En revanche, force est de reconnaître que le retour d’information semble désormais mieux fonctionner. Seulement 1 % des médecins traitants n’en reçoivent jamais de la part de leurs confrères spécialistes, 38 % « toujours » et 51 % « souvent ». « Le passage par le médecin traitant entraîne un peu plus de paperasse mais cela permet aussi de traiter certains problèmes avant la consultation spécialisée et surtout le retour de courrier est quasi systématique » se réjouit le Dr Daniel Montgobert qui exerce dans le Loir-et-Cher. À noter que le courrier électronique est encore peu utilisé : 41% seulement jugent qu’internet a « un peu » facilité les échanges.
Difficile néanmoins de savoir quelle est la part de l’effet « parcours de soins » dans les bonnes relations avec les spécialistes dans la mesure où un tiers des médecins traitants orientent son patient vers un spécialiste en particulier et les deux tiers donnent « le choix entre quelques confrères ». « À l’aube de ma retraite, il m’apparaît que les relations avec les confrères spécialistes ont toujours été empreintes de cordialité, parfois d’amitié, exceptionnellement conflictuelles, ceci pouvant être lié au fait d’un long parcours en commun, » explique le Dr Michel Pinson de Montargis. La majorité des médecins n’ont évidemment pas attendu le parcours de soin pour apprendre à accorder leurs violons.
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