?La moitié des insuffisants cardiaques décède dans les quatre ans qui suivent leur diagnostic et un quart d’entre eux est réhospitalisé dans les trois mois qui suivent la première décompensation. La morbi-mortalité de cette affection, dont la prévalence atteint 2 à 3 %, reste élevée malgré les avancées apportées par les bêtabloquants, les médicaments ciblant le système rénine-angiotensine-aldostérone (IEC, ARA II) et les antagonistes de l’aldostérone. Il faut noter que les bêtabloquants qui ont la propriété de diminuer la fréquence cardiaque ne peuvent pas toujours être utilisés à la posologie cible en raison de problèmes de tolérance. D’où l’intérêt de l’ivabradine, qui réduit exclusivement la fréquence cardiaque sans toucher à la contractilité myocardique, ni à la conduction intracardiaque, même chez les patients dont la fonction systolique est altérée.
Des bénéfices dès trois mois
Le concept d’abaisser la fréquence cardiaque a été testé lors de l’étude SHIFT, réalisée dans 677 centres répartis dans 37 pays. Elle a permis d’inclure 6 558 insuffisants cardiaques, en classe II à IV de la NYHA, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 %, une fréquence cardiaque supérieure ou égale à 70 bpm et ayant été hospitalisés une fois au cours de l’année précédente. 3 268 d’entre eux ont reçu, en plus du traitement optimal, de l’ivabradine 7,5 mgx 2/j après une période de titration de 15 jours à la posologie de 5 mg x 2/j (après un an, 70 % bénéficiaient de la posologie de 7,5 mg x 2/j). Ils ont été comparés à un groupe contrôle de 3 290 patients sous placebo.
Les patients étaient traités de manière optimale : 90 % étaient sous bêtabloquants, dont 56 % recevaient au moins la moitié de la dose cible préconisée et 26 % la totalité de cette dose. De plus, 91 % des patients étaient sous inhibiteur du SRAA et 60 % sous anti-aldostérone.Après un suivi médian de 22,9 mois (au maximum 41,7 mois), l’ivabradine réduit significativement de 18 % l’incidence du critère principal, associant mortalité cardiovasculaire et hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR = 0,82, p < 0,0001). « Ce résultat était obtenu principalement par un effet favorable sur les événements liés à l’insuffisance cardiaque (décès ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque), bénéfice qui apparaît dès les 3 mois après le début du traitement et qui se maintient tout au long de l’étude », indiquent les auteurs de l’article paru dans The Lancet.
Le rôle important de la fréquence cardiaque
Les décès comme les hospitalisations pour décompensation cardiaque sont significativement réduits de 26 % (p =0,014 pour les décès, p = 0,0001 pour les hospitalisations). Le bénéfice est homogène dans les différents sous-groupes avec une efficacité d’autant plus marquée lorsque la fréquence cardiaque de repos initiale est supérieure à 77 bpm. Dans le groupe traité par ivabradine, la fréquence cardiaque était réduite de 15 bpm par rapport à la fréquence moyenne initiale de 80 bpm. « Nos résultats étayent l’idée que la fréquence cardiaque joue un rôle important dans la physiopathologie de l’IC », écrivent les auteurs de l’étude.
Enfin, la tolérance de l’ivabradine se révèle très bonne. Bien que les bradycardies symptomatiques soient rapportées dans 5 % des cas, elles ne motivent l’arrêt du traitement que dans 1 % des cas. 3 % des patients ont rapporté des phosphènes (3 % versus 1 % dans le groupe placebo, p < 0,0001), un effet indésirable connu et peu grave de l’ivabradine.
Pour les coordinateurs de l’étude, Karl Swedberg (Göteborg, Suède) et Michel Komajda (hôpital Pitié Salpêtrière, Paris), on attendait « depuis longtemps, des résultats aussi positifs dans l’insuffisance cardiaque, affection toujours très sévère. Ainsi, il faut systématiquement mesurer la fréquence cardiaque chez ces patients et associer Procoralan® au traitement optimal quand la valeur initiale dépasse
70 bpm, avec un objectif de 60 bpm ». La réduction du risque absolu s’élève à 4,2 % avec l’ivabradine.
Autrement dit, SHIFT montre qu’il suffit de traiter par Procoralan®, pendant un an, 26 insuffisants cardiaques dont la fréquence cardiaque de repos dépasse 70 bpm, pour éviter un décès ou une hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque.
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