C'est tout sourire que le Pr Henri Joyeux s'est présenté ce 24 mai au siège national de l'Ordre des médecins, dans le 17e arrondissement de Paris, où l'attendait un petit comité de soutien. Il comparait devant la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins, qui doit en appel juger si le Pr Joyeux a manqué à sa déontologie, manque à l'origine de la radiation prononcée le 8 juillet 2016 en première instance, par la chambre disciplinaire du Languedoc-Roussillon. Le Pr Joyeux et le conseil départemental de l'Hérault avaient fait appel de cette radiation dans la foulée, ce qui avait eu pour conséquence la suspension de la mesure.
Des manquements aux codes de déontologie et de santé publique
Ce sont deux pétitions lancées par le chirurgien cancérologue qui sont à l'origine de la plainte de l'Ordre, chapeautées par « l'Institut pour la protection de la santé naturelle » : la première s'oppose à « la vaccination massive des enfants contre les papillomavirus » et aux recommandations du Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) en faveur d'un abaissement de l'âge de la vaccination de 11 ans à 9 ans, en septembre 2014, et la seconde, en mai 2015, réclame à la ministre de la Santé la disponibilité du vaccin DTP sans autre valence, clamant que « les Français sont piégés par la loi et les laboratoires ». Selon l'Ordre, le Pr Joyeux manque à plusieurs articles du code de déontologie et de santé publique, notamment le R 4127-12 qui veut que « le médecin apporte son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l'éducation sanitaire », et le 13, qui exige que « le médecin qui participe à une action d'information du public (...) doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. »
En appel, le Dr Jean-Marcel Mourgues, au nom de l'Ordre des médecins, a précisé deux griefs : la divulgation de données non validées par la communauté scientifique et la mise en danger de la santé publique, dans un contexte connu par le Pr Joyeux de défiance vaccinale grandissante en France.
Blanchiment et excuses, demande la défense
Le Pr Joyeux avait comparu devant la chambre de première instance sans avocat, désinvolte, d'aucuns ont pu dire. Cette fois-ci, Me Jean-François Jésus a défendu son client 45 minutes durant, en cherchant à démontrer qu'il n'était pas un anti-vaccin, fâcheuse étiquette dont il serait la victime. « Vous ne trouverez aucune ligne de sa main montrant qu'il est contre la vaccination », a-t-il déclaré devant le jury présidé par la Conseillère d'État Hélène Vestur, accusant l'Ordre de l'avoir condamné sur des a priori. « Les vrais anti-vaccins disent qu'il est mou », poursuit-il.
Des outrances, des exagérations dans les pétitions ? Un exercice de style, pour l'avocat, qui impose également de sélectionner les références scientifiques. « Quand on s'adresse à la multitude, il faut s'adapter », explique Me Jésus. Alarmiste ? « Non, des mots simples pour les personnes les plus simples ». Le Pr Joyeux serait même bien moins percutant que les pouvoirs publics dans leurs messages sanitaires, s'emporte le conseil, en brandissant un paquet de tabac, estampillé « Fumer tue ». Et d'accuser le CNOM d'acte de censure, contre la liberté d'expression d'un médecin qui aurait rempli son devoir d'information des patients.
Me Jésus a in fine appelé l'instance disciplinaire à juger en toute indépendance et à blanchir le Pr Joyeux ; et fait part de son souhait de voir plusieurs médecins, dont le Dr Bouet, président de l'Ordre, lui présenter ses excuses.
Un procès scientifique, selon le Pr Joyeux
Prenant à son tour la parole, le Pr Joyeux a tenté, dans un discours policé (très loin des références assumées à Andrew Wakefield lors de la conférence organisée avec le Pr Montagnier), ponctué de « chers confrères », de se démarquer de son personnage médiatique pour asseoir sa légitimité scientifique. Et de démontrer en quoi un chirurgien cancérologue peut se piquer à raison de vaccinologie.
Tout en assurant ne pas « avoir à se mettre à genoux devant des décisions » qui ne lui semblent pas justes (celle du HCSP sur le HPV), le Pr Joyeux s'est fait le chantre de la prudence et de l'humilité. Non, il n'est pas ce médecin rétrograde anti-pilule et anti-IVG qu'a dépeint Marisol Touraine. Mais il est de son devoir d'universitaire de porter un regard critique, s'est-il défendu.
Il a notamment longuement critiqué la présence de l'aluminium dans les vaccins, assurant que les vaccins hexavalents contiennent 5 à 6 fois la dose toxique fixée pour l’aluminium alimentaire à 1 mg/kg/jour selon la FDA (ce que conteste un rapport de l'Académie de médecine de 2012). Le Pr Joyeux promet la publication prochaine de cette démonstration. « Ce n'est pas un procès d'image, ce n'est pas lié à des ragots. C'est un procès scientifique », a-t-il assuré. Avant de conclure sur sa vocation : « J'ai dédié ma vie à la médecine. J'ai prêté serment en 1972 et y resterai fidèle jusqu'à mon dernier souffle. »
La chambre disciplinaire de l'Ordre devrait rendre son verdict dans 3 à 6 semaines. « Si je suis radié, j'irai au Conseil d'État. J'irai jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme », confiait récemment le Pr Joyeux au « Monde ».
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