Fin mars, la séquence entière du génome humain a été publiée dans la revue « Science » (1). Il en manquait jusque-là 8 % (2). Cette nouvelle cartographie devrait contribuer à aller plus loin dans nos connaissances des maladies, et en particulier des maladies rares et des cancers. Les nouvelles perspectives d'une médecine de précision fondée sur le génome ont été dessinées lors du congrès de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), qui s'est tenu à Paris du 5 au 7 octobre.
« Plus de 7 000 maladies rares ont aujourd'hui été identifiées, et on estime qu'au moins 80 % de ces maladies sont d'origine génétique », souligne le Pr Damien Sanlaville, chef du service de génétique du CHU de Lyon. Et concernant le cancer de l'enfant, « la cause est connue pour seulement 5 à 10 % des cas, qui surviennent dans un contexte de prédisposition génétique. Pour les autres, aucun facteur de risque n'est identifié à ce jour, nous ne savons pas pourquoi l'enfant a un cancer », indique le Pr Gilles Vassal, oncopédiatre à Gustave Roussy (Villejuif). L'analyse pangénomique devrait permettre de mieux comprendre ces cas inexpliqués.
Plus de 70 préindications définies
En France, une étude du génome complet peut être proposée à certains patients dans le cadre du plan France Médecine Génomique 2025. Une liste de quelque 70 préindications au diagnostic génomique a en effet été définie dans le champ des maladies rares, des cancers et de l'oncogénétique par la Haute Autorité de santé et le comité opérationnel du plan France Médecine Génomique 2025. Cette liste a vocation à être évolutive. « Une évaluation médico-économique de ces préindications va être réalisée pour étudier leur pertinence et leur remboursement éventuel », précise le Pr Sanlaville.
En France, deux plateformes sont habilitées à réaliser des séquençages à très haut débit dans ce cadre : SeqOIA (AP-HP/Institut Curie/Gustave Roussy) et Auragen (Hospices civils de Lyon/Chu de Grenoble, de Saint-Étienne et de Clermont-Ferrand, centre Léon-Bérard, centre Jean-Perrin et Institut de cancérologie de la Loire).
Les avantages de la médecine génomique sont multiples : identifier la cause génétique des symptômes et donc réduire l'errance diagnostique, découvrir la cause génétique de nouvelles maladies ou sous-types de maladies et les voies physiopathologiques en jeu, mais aussi trouver des thérapeutiques ciblées.
Des avancées thérapeutiques majeures
Dans les maladies rares, « le délai est de cinq ans en moyenne entre le début des symptômes et le diagnostic, rappelle le Pr Sanlaville. L'objectif avec les techniques actuelles est de diagnostiquer plus rapidement et de pouvoir répondre aux interrogations des patients et des parents, alors que 50 % des patients atteints de maladies rares sont des enfants de moins de cinq ans. »
Les avancées de la génomique permettent aussi de proposer des consultations de conseil génétique plus approfondies, notamment pour les parents qui ont un enfant avec une maladie rare et qui s'interrogent sur le risque éventuel pour leur deuxième. « Si on a identifié la variation responsable des symptômes, on peut donner aux parents un risque de récurrence précis et leur proposer un diagnostic prénatal le cas échéant s'ils le souhaitent », note le généticien.
Grâce à la génomique, un certain nombre de thérapies ciblées ont pu être développées (ou sont en cours de développement) dans les maladies rares. L'amyotrophie spinale infantile a bénéficié de grandes avancées en quelques années, avec des traitements ciblant la mutation du gène SMN. Dans le syndrome de Cloves, un médicament ciblant la voie PIK3CA a été approuvé aux États-Unis cette année. Et dans l'achondroplasie, forme fréquente de nanisme, l'identification des mutations du gène du récepteur 3 du facteur de croissance fibroblastique (FGFR3) a conduit à un essai clinique lancé en 2020 visant à évaluer l'infigratinib, un inhibiteur de tyrosine kinase. « Le fait de mieux connaître les maladies, permet de mieux les diagnostiquer, les traiter et prendre en soins les patients », souligne le Pr Sanlaville.
Pour tous les enfants atteints de cancer d'ici à cinq ans
En cancérologie pédiatrique, la génomique a transformé la prise en charge des patients au cours des dernières années. Néanmoins, il reste encore 20 % d'enfants qui décèdent des suites d'un cancer. L'analyse complète du génome offre de nouvelles perspectives pour mieux comprendre les causes de ces résistances aux traitements, affiner le diagnostic et le pronostic, mais aussi identifier de nouvelles thérapeutiques, comme des thérapies ciblées et des CAR-T cells.
« Dans les cinq ans à venir, l'analyse pangénomique devrait pouvoir bénéficier à tous les enfants atteints de cancer, et non plus seulement à ceux qui ont une histoire familiale, afin d'explorer le potentiel de gènes dont on ne sait pas encore s'ils sont ou non prédisposants et ainsi modifier la prise en charge », avance le Pr Vassal, soulignant l'intrication entre soins et recherche. Comme dans les maladies rares, l'objectif est d'agréger un maximum de données moléculaires et génétiques pour faire progresser la compréhension de ces maladies et mieux répondre aux interrogations des parents.
« Pour étudier l'évolution de la maladie ainsi que l'émergence de mutations, il sera aussi nécessaire de réaliser une analyse pangénomique de la tumeur au diagnostic, avec des analyses répétées au cours du temps, estime l'oncopédiatre. Et c'est là que l'ADN circulant représente un outil très intéressant, en facilitant l'accès au matériel tumoral. »
Dans le cadre du plan France Médecine Génomique 2025, tous les enfants en rechute ont accès au séquençage complet de leur tumeur. Les résultats de l'étude européenne Mappyacts - menée entre 2016 et 2020 - ont montré la faisabilité de la médecine de précision en oncologie pédiatrique : sur 787 patients en situation d'échec thérapeutique pour qui le portrait moléculaire de la tumeur a été réalisé, 30 % ont reçu un traitement ciblé et 56 % ont été inclus dans un essai thérapeutique (3).
Le plan France Génomique 2025 intègre également comme préindications les neuroblastomes et les tumeurs cérébrales. « À l'heure actuelle, des analyses génomiques du neuroblastome sont déjà réalisées. La question est de déterminer si la pangénomique apportera plus, en vue d'un éventuel remboursement », explique le Pr Vassal.
D'après une conférence de presse de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP)
(1) S. Nurk et al. Science, 2022. doi: 10.1126/science.abj6987
(2) International Human Genome Sequencing Consortium. Nature, 2001. doi: 10.1038/35057062
(3) P. Berlanga et al, Cancer Discov, 2022. doi: 10.1158/2159-8290.CD-21-1136
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