Après l’euphorie de la première victoire au Palais Bourbon vient la difficile équation parlementaire pour le socialiste Guillaume Garot. La prochaine étape du chemin parlementaire sera-t-elle, elle aussi, couronnée de succès ? Pour le rapporteur du texte adopté le 7 mai, introduisant régulation à l’installation des médecins en zone surdotée et obligation de permanence des soins, ce ne sera pas une mince affaire. Car si l’étau se resserre pour les praticiens qui rejettent en chœur ces mesures jugées punitives, un autre texte, un peu plus acceptable pour la profession, est examiné depuis la semaine dernière au Sénat. Cette seconde proposition de loi (PPL), portée par l’élu LR et président de la commission des Affaires sociales sénatoriale Philippe Mouiller, bénéficie de toute l’attention du gouvernement, qui entend s’en servir comme véhicule législatif pour porter ses propres mesures, dévoilées dans son pacte anti-déserts.
Plus digeste que la PPL Garot, la PPL Mouiller propose de soumettre l’installation des médecins en zone déjà bien dotée à une autorisation préalable de l’ARS. Pour les généralistes, cette autorisation d’installation serait conditionnée à un engagement à un exercice à temps partiel en zone sous-dense. Une vision des choses qui se rapproche fortement de celle du gouvernement avec le principe de « solidarité obligatoire », sous la forme de deux journées maximum de temps de consultation à donner dans les zones les plus fragiles. Le gouvernement devrait donc en toute logique amender le texte Mouiller en ce sens pour que son dispositif y figure en bonne place.
Pas encore d’inscription de la PPL Garot prévue au Sénat
Autre obstacle au texte de Guillaume Garot, qui a besoin d’être voté par le Sénat pour être entériné : son inscription à l’ordre du jour du Palais du Luxembourg. Et sur ce volet, ce n’est pas prévu par les différents groupes politiques, que ce soit côté socialistes (même si les sénateurs PS sont partagés sur le sujet) comme côté majorité sénatoriale, qui préfère défendre son propre texte. La secrétaire de la commission des Affaires sociales du Sénat Corinne Imbert (apparentée LR) rapporte que « pour l’instant, il n’en est pas question ». D’autant plus que selon la pharmacienne rochelaise, la PPL Mouiller est « plus équilibrée, tout en préservant la liberté d’installation des généralistes, leur demandant seulement un petit coup de main dans les zones en tension ».
La député la Dr Stéphanie Rist (EPR), qui a voté contre le texte à l’Assemblée, émet une hypothèse différente. Selon elle, le gouvernement pourrait être tenté de faire inscrire la PPL Garot au Sénat, non pas pour le voter, mais pour la vider de sa substance, en particulier de son article 1 relatif à la régulation à l’installation. Une idée que la rhumatologue orléanaise juge d’autant plus faisable que « toutes les autres dispositions, comme la première année d’études de santé dans chaque département, pourraient être mises dans la PPL Mouiller par voie d’amendements ».
Autre signe en défaveur de la PPL Garot : la PPL Mouiller est examinée à la demande du gouvernement en procédure accélérée. Les délais étant ainsi raccourcis, le texte sénatorial pourrait être voté dès la fin de cette semaine au Sénat et être transmis dans la foulée à l’Assemblée nationale, avant une commission mixte paritaire (CMP) qui sera chargée de trancher.
Un non-événement
En définitive, pour le président de la CSMF, le Dr Franck Devulder qui avait réagi auprès du Quotidien le lendemain du vote de l’Assemblée nationale de la PPL Garot, il s’agissait « en réalité un non-événement ». Selon lui, « il est très probable que ça s’arrête là ». Le gastro-entérologue en fait même « le pari », puisque ni le gouvernement, ni les sénateurs ne souhaitent voir ce texte adopter. Ce qui pèse lourd. Les syndicats de médecins seniors comme juniors ne manquent pas une occasion de rappeler que le vote positif à l’Assemblée, en séance publique, de la PPL Garot n’est pas particulièrement représentatif, si l’on considère que seuls 99 députés sur 577 ont voté en faveur du texte.
La PPL Mouiller, théâtre d’un âpre débat d’experts
Ce n’est pas parce que la PPL Mouiller est jugée plus acceptable que la PPL Garot que ce texte ne sera pas le théâtre d’affrontements idéologiques entre les différentes forces politiques, parfois même divisées en leur sein. Les débats, qui commencent lundi 12 mai au soir dans l’hémicycle sénatorial, s’annoncent animés. Ainsi, à gauche, le socialiste Jean-Luc Fichet va tenter de faire adopter des amendements issus du travail du groupe mené par Guillaume Garot, tandis que le Dr Bernard Jomier (Place publique – apparenté socialiste) les empêchera de passer ! Le généraliste parisien imagine toutefois que le texte de la droite sénatoriale sera « un point d’équilibre », dont les curseurs bougeront en fonction des votes – plus ou moins de régulation et plus ou moins d’obligation de permanence des soins.
Une chose est sûre selon lui : ce sont les conditions d’application des mesures coercitives (collectives vs individuelles) qui feront leur acceptabilité par les médecins. Pourtant d’accord avec la majorité de ces articles – à l’exception de celui sur la régulation – la rapporteure générale de la commission des Affaires sociales (Union centriste) Élisabeth Doineau n’a pas cosigné la PPL Mouiller. Selon la sénatrice mayennaise, le texte instille, « en premier lieu, un sentiment de confusion en s’ajoutant aux multiples PPL existantes et au plan gouvernemental et, deuxièmement, une pression sur les jeunes générations, victimes des politiques antérieures et qu’ils n’ont pas à payer ».
Fin de vie : Catherine Vautrin promet d’encadrer strictement l’aide à mourir, le gouvernement reste divisé
À Gaza, le chaos laisse peu de place aux soins psychiques
Enfants de la guerre et psychotrauma : carnets de bord de spécialistes français
Fin de vie : l’Académie de médecine réitère son opposition à l’euthanasie