L’étau s’est resserré. L'Assemblée nationale a donc adopté mercredi soir en première lecture le texte (si redouté) permettant de réguler l'installation des médecins afin de lutter contre les déserts médicaux, porté par un groupe transpartisan de plus de 250 députés, contre l'avis du gouvernement et de la grande majorité de profession. La proposition de loi, qui prévoit aussi le rétablissement des gardes obligatoires, a été adoptée très largement par 99 voix contre 9. Le Rassemblement national s'est abstenu.
Ce groupe, allant de LFI à près d'un tiers du groupe LR, avait été lancé dès 2022 par le député socialiste Guillaume Garot avec pour mot d'ordre que « lorsque les déserts médicaux avancent, c'est la République qui recule ». « Ce soir, nous avons remis un peu de République dans notre organisation collective, cette République qui doit veiller sur chacun de nous, qui que nous soyons, où que nous habitions, parce que notre santé ne peut pas dépendre de notre code postal », s’est enthousiasmé le député, rapporteur de la proposition de loi, à l'issue du vote.
Ce texte n'en reste pas moins extrêmement inflammable pour la profession, et les débats à l'Assemblée ont été nourris, en particulier lors de l'examen début avril de son article-clé qui régule l'installation des médecins sur le territoire en zone surdotée. Son principe ? Avant de s'installer, les médecins libéraux ou salariés devraient solliciter l'aval de l'Agence régionale de santé (ARS). Il serait de droit dans une zone manquant de soignants, mais dans les territoires mieux pourvus, le médecin ne pourrait s'installer que lorsqu'un autre s'en va.
Le vote de cet encadrement de la liberté d’installation avait provoqué une mobilisation massive et historique des jeunes médecins (étudiants et internes), qui ont battu le pavé le 29 avril par milliers, soutenus par leurs aînés et l’Ordre des médecins
Contre l’avis de Neuder
Mais d’autres mesures du même texte ont été adoptées mercredi soir par les députés, qui risquent de générer des anticorps supplémentaires au sein de la profession.
Un « indicateur territorial » censé tenir compte du temps médical disponible par patient et de « la situation démographique, sanitaire et socio-économique du territoire », servirait à flécher la future régulation, qui ne concernerait potentiellement que « 13% du territoire » selon ses partisans (87% de la France étant classée en zone de désertification médicale). Cet indicateur est la « pierre angulaire de toute politique réellement efficace », insiste le groupe transpartisan.
Le ministre de la Santé et ancien cardiologue Yannick Neuder (LR), tout en saluant le travail du groupe transpartisan après le vote, a rappelé sa position de longue date contre la mesure de restriction de la liberté d’installation. « Si j'avais pensé que c'était le bon traitement, le bon remède à la situation, je l'aurais soutenu », a-t-il déclaré dans l'hémicycle.
Le gouvernement qui vient de son côté de présenter un plan anti-déserts médicaux propose de former davantage de soignants mais aussi d'imposer aux praticiens jusqu'à deux jours par mois de consultations dans des zones prioritaires (consultations avancées, cabinets secondaires).
Pas suffisant pour le groupe transpartisan qui est resté droit dans ses bottes en complétant la régulation à l’installation par deux autres mesures : la suppression de la majoration des tarifs pour les patients qui se trouvent sans médecin traitant et surtout le rétablissement de l'obligation pour les médecins de participer à la permanence des soins (PDS), plus de 20 ans après le volontariat des gardes acquis de hautte lutte au début des années 2000. Là aussi, cette mesure devrait provoquer de vives réactions d’hostilité.
Suite de la navette en automne
Adopté à l'Assemblée, la PPL Garot devra désormais poursuivre sa navette au Sénat en trouvant de la place dans le calendrier parlementaire surchargé, probablement à partir de l'automne.
La partie est donc loin d’être terminée, d’autant qu’une autre proposition de loi sur l’accès aux soins, poussée cette fois par la droite sénatoriale (groupe LR) est en cours d’examen. Examiné en procédure accélérée, ce deuxième texte est vu d'un bon œil par le gouvernement qui pourrait tenter d'y introduire son propre plan anti-déserts médicaux.
Entre incitation et contrainte, le texte de la droite sénatoriale partage davantage la philosophie de l'exécutif, qui rechigne à opter pour une régulation coercitive. Il propose seulement que dans les zones les mieux pourvues en praticiens, l'installation des généralistes soit conditionnée à leur exercice en parallèle à temps partiel dans une zone en déficit de soignants. De quoi faire écho au plan du gouvernement et rendre caduque la PPL Garot ?
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