« Le constat est sans appel : la fracture sanitaire se creuse ». Tels sont les mots de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui publie ce mardi 24 juin 2025 une étude analysant la trajectoire de l’installation des médecins en France de 2014 à 2024, en se basant sur les données d’inscription au tableau de l’Ordre des médecins.
Résultat, les territoires déjà en difficulté dix ans auparavant – souvent ruraux et périurbains – ont vu leur densité médicale « reculer encore ». Et à l’inverse, les départements déjà les plus favorisés il y a dix ans ont continué de constituer des pôles d’attractivité médicale. Le message est clair : les inégalités territoriales, loin de se résorber, s’aggravent chaque année. Ainsi, tranche l’association, « ce déséquilibre grandissant démontre l’échec cuisant des politiques publiques récentes : les incitations financières mises en place pour attirer des médecins dans les zones sous-dotées n’ont pas suffi à inverser la tendance, ni même à la freiner ».
Du simple au triple
Côté chiffres, 73 départements (sur 101) ont subi une baisse de leur densité médicale sur la décennie étudiée ; et parmi les 50 départements déjà les moins bien lotis en médecins en 2014, exactement 44 ont encore vu leur situation se détériorer. À l’inverse, parmi les 50 départements les mieux pourvus il y a dix ans, 22 enregistrent une amélioration.
Autre signe de l’érosion à l’extrémité : les 10 départements les moins dotés en 2014 comptaient en moyenne 18,6 médecins pour 10 000 habitants, un taux qui « tombe à 16 en 2023 ». Dans le même temps, les 10 départements les mieux dotés connaissent une « légère hausse » de leur densité, passant de 44 à 44,16 praticiens pour 10 000 habitants. Une incapacité à rééquilibrer qui aboutit à des écarts du simple au triple : en 2023, la densité médicale dans l’Eure ou l’Ain est respectivement de 15,7 et 15,9 médecins pour 10 000 habitants (ce taux descend même à 8 à Mayotte !), contre 42,9 dans le Rhône, 45,7 en Hautes-Alpes et même 76,8 à Paris.
Selon l’association, cette dégradation « mortifère » concerne tous les médecins inscrits à l’Ordre puisque les inégalités se retrouvent dans les quatre spécialités de médecine libérales analysées dans l’étude : généralistes, ophtalmologues, gynécologues et pédiatres.
Parmi les points positifs, le panorama souligne l’évolution « encourageante » dans les départements d’outre-mer, où l’on observe « un regain de densité médicale », écrit l’UFC-Que Choisir. Cette progression s’explique par la mobilisation de médecins formés hors Union européenne mais également des investissements publics ciblés, comme les GHT ou l’accès local aux études de médecine. « Cela montre que des politiques volontaristes peuvent produire des effets concrets », peut-on aussi lire.
Rompre avec l’échec des politiques incitatives
Mais l’UFC-Que Choisir mise d’abord et principalement sur le bâton pour corriger les disparités. Elle invite les pouvoirs publics à « rompre avec l’échec des politiques incitatives, coûteuses et inefficaces ». « Il ne suffit plus de corriger à la marge, défend-elle. Il est plus que jamais temps de repenser en profondeur l’aménagement médical du territoire, au service de l’égalité réelle entre citoyens ».
Fidèle aux mesures d’encadrement territorial qu’elle défend depuis des lustres, l’association réclame l’adoption « sans délai » de la proposition de loi (PPL) transpartisane du socialiste Guillaume Garot, qui prévoit une régulation à l’installation des généralistes et spécialistes dans les zones les mieux dotées. Une nouvelle installation serait conditionnée à une autorisation préalable de l’ARS, uniquement délivrée lorsqu’un confrère « de la même spécialité » cesse son activité dans la même zone. L’avenir de cette PPL reste toutefois très incertain car elle n'est pas soutenue par le gouvernement.
L’association invite par ailleurs à fermer le secteur 2 à honoraires libres. Les nouveaux médecins qui s’installent n’auraient le choix qu’entre le secteur 1 aux tarifs opposables et les options de pratique tarifaire maîtrisée (Optam, Optam ACO). « L’État, peut-on lire, doit mettre fin aux pratiques de dépassements d’honoraires, les nouveaux médecins s’inscrivant largement dans des départements où les dépassements d’honoraires sont élevés, particulièrement lorsque la densité médicale y est plus favorable ». Ceinture et bretelles : une façon pour Que Choisir de boucler la boucle.
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