Un an après avoir saisi le Conseil d’État pour faire sanctionner « la coupable inaction » du gouvernement face aux inégalités croissantes d'accès aux soins, l’association UFC-Que Choisir remonte au créneau avec un autre sondage inédit sur la fracture sanitaire. Réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 1 003 Français du 6 au 13 novembre 2024, l’enquête révèle que 85 % des sondés éprouvent un sentiment de dégradation de l’accès aux soins en France au cours des dernières années. Et 69 % considèrent que leur propre situation s’est détériorée, même si la perception est variable selon la zone d’habitation ou les revenus.
La fracture se traduit d’abord dans l’accès au médecin traitant et dans les délais de rendez-vous. Si seulement 7 % des individus interrogés n’ont pas accès à un médecin de famille, ce taux masque de fortes disparités sociales et régionales. Quant au délai d’attente, il varie de trois jours à 45 jours selon le lieu d’habitation (la moyenne étant de 9 jours). Si 35 % des personnes interrogées obtiennent une consultation avec le médecin généraliste « le jour même », ils ne sont plus que 15 % en zone périurbaines.
Les disparités s’amplifient pour les consultations de spécialistes. Sept sondés sur dix déclarent avoir patienté « plus d’un mois » pour décrocher un rendez-vous (et même 83 % dans le Grand Est contre 52 % pour les habitants franciliens). « Deux habitants des Hauts-de-France ont indiqué un délai de deux ans », se désole l’association.
Faute de rendez-vous disponible, « 35 % des sondés déclarent avoir renoncé à se soigner », un taux en nette hausse par rapport à la précédente enquête (27 % en 2023). Là encore, le renoncement aux soins est un puissant marqueur d’inégalités sociales et régionales. Les moins aisés (revenus inférieurs à 24 000 euros), les habitants de certaines régions comme le Centre Val de Loire ou la Normandie, les jeunes ou les habitants de banlieue ou de zones périurbaines affichent des taux de renoncement bien supérieurs.
Un autre motif conduit à reporter ou annuler les soins médicaux : les raisons financières. Selon l’enquête, 24 % de personnes sondées invoquent désormais leurs difficultés économiques pour expliquer le renoncement aux soins, en augmentation par rapport à l’étude de 2023 (18 %) – la courbe étant inversement proportionnelle aux revenus du foyer. Le non-recours concerne en premier lieu les soins dentaires, les équipements optiques ou les spécialistes hors médecine générale.
Enfin 14 % des sondés évoquent une « double peine », ayant déjà dû renoncer à des soins pour des raisons géographiques et pour des motifs financiers.
Face à cette fracture sanitaire, l’association profite du débat parlementaire sur le budget de la Sécurité sociale pour sonder directement les Français sur la régulation de la médecine libérale, creusant son sillon en la matière. Selon l’étude, 93 % des sondés interrogés soutiennent désormais « l’encadrement de l’installation » des médecins libéraux (48 % tout à fait d’accord, 45 % plutôt d’accord), et ce sans distinction de revenus, de sexe ou de régions. À noter toutefois que le même plébiscite de l’opinion (94 %) s’attache aux aides financières incitatives. Pour l’UFC-Que choisir, instaurer « un conventionnement territorial des médecins » (avec le principe d’un départ pour une arrivée en zone surdotées) devrait être « une mesure urgente » à prendre par le gouvernement pour réduire les inégalités territoriales. Une idée qui fait son chemin puisqu’elle est défendue (sous forme de proposition de loi) par le groupe transpartisan sur les déserts médicaux de plus de 200 députés à l’Assemblée nationale.
Autre charge récurrente de l’association : pour stopper le développement des dépassements d’honoraires (auxquels ont été confrontés 58 % des Français sur les 12 derniers mois), l’UFC-Que choisir prône la fermeture de l’accès au secteur 2 à honoraires libres. « Les nouveaux médecins, suggère l’association, ne devraient avoir le choix qu’entre un secteur 1 aux honoraires sans dépassements et l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam), qui encadre les dépassements d’honoraires. »
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