Alors que la mesure clinique de la PA à la consultation a montré certaines limites, MAPA et automesure s'affirment de plus en plus comme des outils essentiels pour le diagnostic et le suivi des hypertendus. Sont-ils pour autant équivalents ? Faut-il reléguer le tensiomètre au musée ? Ces questions ont agité de nombreux débats au cours du congrès de l'European Society of Hypertension à Londres.
Avant d'étiqueter un patient d’ « hypertendu », il faut éliminer l'HTA par effet blouse blanche, le patient ayant un pronostic proche de celui d'un normo-tendu même s'il est à surveiller d'un peu plus près. Le bénéfice est évident pour le sujet qui n'a pas à prendre de traitement, mais aussi pour l'économie du système de santé. L'intérêt est tout aussi essentiel de repérer l'HTA masquée, qui représenterait 10 à 20 % des hypertendus et dont le pronostic est comparable à celui d'un hypertendu clinique. D’où le plébiscite de la mesure de la PA ambulatoire, MAPA ou automesure à domicile. Bien que quelques voix discordantes s'élèvent, comme celle du Pr Martin G.Myers (Canada) pour qui la mesure automatisée de la PA à la consultation, à condition d'être répétée au moins trois fois permettrait aussi d'éliminer l'HTA masquée ou l'HTA blouse blanche, et serait bien corrélée avec l'atteinte des organes cibles et en particulier l'épaisseur intima média et à l'hypertrophie ventriculaire gauche. L'algorithme proposé par l'AHA serait de répéter les mesures cliniques avec un appareil automatisé, et de demander la MAPA ou l'automesure de façon systématique uniquement si la PAS/PAD est comprise entre 130/80 et 139/89 pour confirmer le diagnostic, leur utilisation se discutant si elle est ›140/90 mmHg.
La MAPA a fait ses preuves au point d'être devenue la référence de la mesure tensionnelle; elle est de loin bien mieux corrélée que la PA de consultation à l'atteinte des organes cibles et au pronostic cardio-vasculaire, y compris d'ailleurs en population générale. Elle est essentielle pour évaluer la variabilité de la PA au cours du nycthémère et en particulier la PA nocturne, avec le statut de « dipper » (diminution physiologique de PA nocturne), "non-dipper" (pression ne baissant pas la nuit) dont le pronostic est moins bon, voire de "riser" (augmentation de la PA nocturne) augmentant le risque d'accidents cardio-vasculaires.
« L'automesure avait pris du retard par rapport à la MAPA alors que de nombreuses études ont clairement mis en évidence que le niveau de PA en automesure, évalué avec un appareil électronique validé, est un très bon facteur pronostic, bien supérieur à la mesure de la PA en consultation », rappelle le Dr Thierry Denolle. L'étude PAMELA qui comparait les trois méthodes de mesures (clinique, automesure et ambulatoire) a très bien montré que la variabilité des chiffres tensionnels est maximale avec la mesure à la consultation, intermédiaire avec l'automesure et minimale avec la MAPA. L'automesure évite de nombreux biais. Généralement plus basse que la PA de consultation, elle est proche de la PA ambulatoire diurne moyenne; les seuils retenus pour définir l'HTA sont ainsi 140/90mmHg pour la première, 135/85 pour l'automesure et la MAPA de jour. Pour le Pr. Gianfranco PARATI (Milan), « Il serait cependant souhaitable de définir plus nettement les cibles tensionnelles à atteindre sous traitement ainsi que les seuils à retenir pour les patients à haut risque comme diabétiques ou hypertendus, aussi bien d'ailleurs pour l'automesure que la MAPA. Et de les utiliser plus largement dans les essais cliniques, qui pour la grande majorité d'entre eux ont été conduits avec la PA de consultation. »
La MAPA surcotée
Les recommandations françaises de l'HAS en 2005 avaient déjà mises en avant la mesure ambulatoire de la PA en donnant une large place à l'automesure. Une position réitérée par les recommandations de la Société Française d'HTA en décembre 2011, émises après que celles de l'HAS aient été retirées et très différente de celle des Britanniques. En effet en août 2011, deux études anglaises considéraient, l'une que la MAPA était plus sensible et plus spécifique que l'automesure pour le diagnostic de l'HTA, l'autre que son rapport qualité/prix était supérieur ; elles ont été immédiatement suivies par les recommandations du NICE (National Institute of health and Clinical Excellence) selon lesquelles la MAPA est indispensable pour confirmer le diagnostic d'HTA sauf urgence thérapeutique. Des conclusions qui pour de nombreux experts comme le Pr Roland Asmar « ne tiennent pas compte des biais de ces études : les deux essais et les recommandations ont été réalisées par les mêmes équipes, l'étude du BMJ pose d'emblée la MAPA comme la référence –ce qui compromet singulièrement la comparaison des techniques- et l'évaluation des coûts ne tient compte que de ceux du diagnostic et pas du suivi ».
Il n'est donc pas sûr du tout que la MAPA s'installe en force dans les prochaines recommandations européennes sur l'HTA attendues pour 2013. « Les indications de la MAPA se réduisent par rapport à l'automesure; moins onéreuse que la MAPA, mieux acceptée par le patient, plus simple d'accès elle peut être aussi plus souvent répétée.. Elle présente par ailleurs un avantage essentiel, insiste le Dr Denolle, celui de rendre l'hypertendu acteur de sa prise en charge. Elle constitue un élément clé pour l'éducation du patient, sa compliance au traitement et finalement l'amélioration du contrôle tensionnel. »