L'HTA dans la population âgée se distingue non seulement par sa prévalence (elle serait de 50 % au-delà de 70 ans), mais aussi par certaines spécificités : la grande fréquence de l'HTA systolique isolée avec une PAS supérieure à 140 mmHg et une PAD inférieure à 90 mm de Hg; l'altération fonctionnelle des barorécepteurs et la moindre sensibilité cardiovasculaire aux catécholamines qui rend les seniors plus sensibles aux chutes de PA spontanées ou induites par les traitements; une plus grande variabilité de la PA incitant à répéter les mesures; une forte prévalence d’HTA par effet blouse blanche et d'HTA masquées.
Quel niveau de PAS viser ? « Il faut revoir les recommandations de l'ESH 2007 qui demandaient de ramener le niveau de PA en dessous de 140mmHg chez tous les hypertendus, y compris chez les plus âgés, constate R.H. Fagard (Belgique), car si la plupart des essais montrent dans cette population un bénéfice sur la morbi-mortalité à réduire leur PAS, les seules études négatives sont celles où la PAS est baissée en dessous de 140mmHg. » Ainsi JATOS, étude japonaise ouverte comparant chez des hypertendus âgés de 65 à 85 ans un traitement intensif (PAS<140mmHg) à un traitement standard (PAS de 140 à 160mmHg) montre l'absence de différence à 2 ans sur le critère principal, événements cardiaques et insuffisance rénale, avec par contre une augmentation de la mortalité totale, des AVC et des intolérances au traitement dans le bras intensif.
Mêmes résultats dans l'étude VALISH où le contrôle strict de la PA n'assure pas une meilleure protection cardiovasculaire qu'un contrôle plus souple. L'absence de bénéfice à réduire drastiquement la PAS est d'autant plus flagrante que les sujets sont plus âgés. Le seul essai portant spécifiquement sur les hypertendus de plus de 80 ans, HYVET, a permis de réduire en per protocole le risque d'AVC de 35 %, de la mortalité totale de 25 %, cardiovasculaire de 35 % en visant un objectif de 150/80 mmHg de PA; mais il a aussi mis en évidence une relation de type courbe en U entre niveau de PAS et mortalité totale, celle-ci augmentant en dessous de 140 et au-dessus de 160 mmHg. « Pour la PAS, tout semble indiquer qu'il faille viser 160mmHg, voire 140 chez les diabétiques et les insuffisants rénaux pour les 65/79 ans et ne pas baisser en dessous de 160 mm de Hg au-delà de 80 ans », conclut pour sa part C.J. Bulpitt (Royaume-Uni).
Rester vigilant sur la baisse de la PAD
Baisser la systolique amène souvent à réduire la diastolique alors qu'il existe une liaison certaine entre une PAD basse et la mortalité totale. Dans le groupe traité de l'étude EWPHE, la mortalité totale dessine une relation en U avec la PAS, mais elle est inversement corrélée de façon linéaire au niveau de PAD. Un effet qui ne peut être attribué à un impact délétère propre de la molécule puisqu’on retrouve cette tendance dans le groupe placebo, suggérant que la baisse de la PA témoignerait plutôt d'un état clinique dégradé avec en particulier perte pondérale et anémie. Jusqu'où peut-on donc accepter de baisser la PAD pour atteindre l'objectif de 140 mmHg chez les sujets âgés avec une PAS systolique isolée ? Dans l'étude SHEP, menée chez les plus de 60 ans, le risque CV est d'autant plus important que la PAD à la fin du suivi est basse; il s'élève dès qu'elle est <70 mmHg pour doubler lorsqu'elle devient < 55 mmHg. Mêmes résultats dans Syst-Eur avec une mortalité totale plus élevée lorsque la PAD est < 70mmHg à la fois dans le groupe traité et le groupe contrôle. « L'hypothèse est que la baisse de cette PAD révèle l'atteinte vasculaire infra-clinique, ce qui incite à la plus grande prudence chez les patients à haut risque et en particulier les coronariens », rappelle l'hypertensiologue. Globalement dans ces études la mortalité totale est minimale pour une PAD à 80-85mmHg augmente proportionnellement au-delà de 80-85 mmHg et en dessous de ce seuil. Les événements cardio-vasculaires adoptent une relation en U avec les chiffres de PAD autour de ce même seuil. En ce qui concerne la démence, la relation est assez semblable si ce n'est qu'on observe une nette augmentation en dessous de 75-80 mmHg. Il est donc essentiel chez les personnes les plus âgées de ne pas baisser la PAD en dessous de 80mmHg pour limiter le risque de démences.
Autres questions qui se posent chez les sujets âgés, faut-il traiter précocement, est-il utile de maintenir le traitement ? On a un début de réponse avec l'extension de l'étude HYVET chez les patients ayant arrêté le traitement : alors que leurs chiffres tensionnels rejoignent assez rapidement ceux du groupe contrôle, leur mortalité totale et cardio-vasculaire reste plus basse (HR=0.48, p=0.016) mais le taux d'AVC et d'événements cardio-vasculaire devient identique, suggérant que la prévention des AVC est liée à l'impact immédiat du traitement tandis que le bénéfice sur la mortalité relève d'un effet à la fois immédiat et cumulé. « Ce qui devrait nous amener à ne pas reculer le début de la prise en charge thérapeutique chez les sujets âgés et de bien peser la décision de le stopper », conclut R.H Fagard.
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