Plusieurs études l’ont démontré : en matière d’observance la conviction du médecin est déterminante. Or, dans l’ostéoporose, la perception du risque est souvent minorée et globalement « les médecins sous-estiment l’impact des fractures fémorales sur la mortalité et l'impact des fractures vertébrales sur la qualité de vie » souligne le Pr Erick Legrand (Service de rhumatologie, CHU et Université d’Angers). Spontanément, les généralistes redoutent bien davantage la survenue d’un infarctus du myocarde que celle d’une fracture de l'extrémité supérieure du fémur, « alors que, vers 75-80 ans, la mortalité dans l’année suivante est de l'ordre de 20% pour ces deux pathologies ».
Une thèse récente enfonce le clou. Selon ce travail réalisé auprès de 3 954 généralistes, « la plupart des médecins semblent hiérarchiser les maladies chroniques – tant sur l’importance, à leurs yeux, de la pathologie que sur l’intérêt qu’ils portent sur l’observance du patient – et l’ostéoporose apparaît nettement secondaire à d’autres pathologies chroniques ». De plus, « la moitié n’est pas convaincue de l’efficacité du traitement antiostéoporotique, tandis que plus de 80 % redoutent les effets secondaires. »
La crainte des effets secondaires
En miroir « la crainte des effets secondaires est aussi largement exprimée par les patientes, témoigne le Pr Legrand et là ou il y a 15 ans celles-ci me demandaient à quel point le traitement allait être efficace désormais elles me demandent surtout à quel point le traitement va générer des effets indésirables. Pourtant, par rapport aux autres médicaments prescrits en rhumatologie (antalgiques paliers 2 et 3, AINS, immunomodulateurs, glucocorticoïdes) les antiostéoporotiques sont de loin la catégorie médicamenteuse la mieux tolérée ».
Les controverses scientifiques successives sur l’intérêt du calcium, la dangerosité des œstrogènes, le risque d’ostéonécrose de la mâchoire sous biphosphonate (largement médiatisée) ou plus récemment les risques vasculaires du ranelate de strontium ne sont sûrement pas étrangères à ces évolutions.
Mais au-delà de cette « crise de confiance », plusieurs autres éléments peuvent impacter l’observance dans l’ostéoporose. Au premier rang desquels « une mauvaise transmission des informations entre le médecin initialement prescripteur, le médecin traitant et le patient lequel, au final, ne retournera pas chez son médecin pour le renouvellement » pointe le Pr Legrand. Le constat vaut particulièrement lorsque le traitement est initié après une fracture, avec pour les patients une confusion fréquente entre traitement de l’ostéoporose et traitement de la fracture et à la clé un arrêt précoce après 3 mois. Dans ce contexte, mieux vaut préciser d’emblée aux patients qu’ils s’engagent dans un traitement de longue haleine et anticiper le suivi, avec par exemple la programmation de consultations au long cours.
Le caractère asymptomatique de l’ostéoporose, les difficultés qu’ont certains à appréhender le risque fracturaire et l’absence d’outils de mesures simples permettant d’évaluer l’impact du traitement jouent aussi les troubles fêtes. Et imposent au praticien de trouver des mots simples pour expliquer aux patientes leur maladie. Par exemple, « plutôt que de parler de densité minérale osseuse et de fractures ostéoporotiques, mieux vaut parler de fragilité osseuse et de fractures survenant sans traumatisme » propose le Pr Legrand.
Ensuite « certains praticiens utilisent le dosage ponctuel de marqueurs du remodelage osseux comme le CTX pour aider les patientes à objectiver l’impact du traitement sur l’os ».
Enfin les contraintes de prise peuvent aussi constituer un obstacle au bon suivi du traitement. À ce titre, les traitements injectables de longue durée d’action peuvent être un plus « notamment pour les personnes polypathologiques où celles qui ont des difficultés de mémoire dont on sait dès la première consultation qu’elles auront du mal à prendre correctement leur traitement par voie orale ».
« Dans tous les cas, il demeure essentiel de garder en mémoire que la bonne prescription d'un traitement de fond de l'ostéoporose associé à de la vitamine D, réduit le risque de fracture d'environ 50 % avec des effets secondaires sérieux et objectifs très rares ».
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