La suspension de la seconde procédure collégiale d'examen de l'interruption des traitements de Vincent Lambert en juin 2015 était illégale ; le médecin actuellement en charge du patient doit à nouveau se prononcer sur l'engagement d'une nouvelle procédure, conclut le Conseil d'État, ce 19 juillet. Il suit ainsi l'avis du rapporteur public Xavier Domino, et confirme l'analyse de la Cour administrative d'appel de Nancy.
Le Conseil d'État était saisi de deux requêtes à l'encontre de cet arrêt de la CCA rendu en juin 2016. Cet arrêt annulait la décision de juillet 2015 de suspendre la procédure collégiale d'examen d'une interruption des traitements, décision que le CHU de Reims avait justifiée par le fait que la sécurité et la sérénité autour du patient n'étaient pas réunies, sans fixer de terme à cette suspension. La CCA enjoignait au CHU « de mettre le médecin en charge de Vincent Lambert en mesure de mener une nouvelle procédure collégiale d'examen d'une interruption des traitements ».
Les parents de Vincent Lambert contestaient auprès du Conseil d'État l'injonction de reprendre une procédure. À front renversé, le neveu François Lambert reprochait que n'ait pas été décidée une application de la décision d'arrêt des soins de 2014 (au terme d'une première procédure menée par le Dr Kariger).
Indépendance professionnelle du médecin
Comme le plaidait le Rapporteur public le 10 juillet dernier, le Conseil d'État rejette les deux requêtes, avec les mêmes arguments.
Il conforte l'indépendance professionnelle et la responsabilité personnelle du médecin, en jugeant que la décision d'arrêt des soins, prise le 11 janvier 2014 par le Dr Kariger ne peut plus recevoir application, ce dernier étant parti.
« Les décisions de limiter ou d’arrêter les traitements dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable, qui ne peuvent intervenir que dans le cadre d’une procédure collégiale, sont prises par le médecin en charge du patient et ne peuvent être mises en œuvre que par ce même médecin ou sous sa responsabilité. Dans le cas où le médecin qui a pris une telle décision n’est plus en charge du patient à la date où cette décision peut commencer à être mise en œuvre, la décision en cause cesse de produire effet et ne peut plus légalement recevoir application. Le nouveau médecin en charge doit alors prendre lui-même une décision », lit-on.
L'absence de sécurité et sérénité, pas un motif légal ni légitime
Le Conseil d'État apporte un nouveau démenti à la décision du CHU de Reims, le 23 juillet, de suspendre la procédure collégiale lancée deux semaines auparavant. « D'éventuelles menaces pour la sécurité de Vincent Lambert et de l'équipe soignante ne sont pas un motif légal pour justifier l'interruption d'une procédure », lit-on.
La haute juridiction rappelle avoir déjà estimé (lorsqu'elle avait dû se prononcer sur légalité de la décision du Dr Kariger en 2014) qu'au vu des circonstances de l'affaire, en particulier des déchirements familiaux, l'absence d'unanimité entre les proches n'est pas de nature à s'opposer à la prise d'une décision d'arrêt des soins. Si le médecin doit prendre en compte les avis de la personne de confiance ou à défaut, des proches lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, et s'efforcer de dégager une position consensuelle, « il doit être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à l'égard du patient », dans le respect de la singularité de chaque situation, lit-on dans le détail de la décision.
Pas d'astreinte pour le CHU
En plus de rejet des deux pourvois, le Conseil d'État décline la requête de François Lambert de condamner le CHU de Reims à une astreinte en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt de la CAA (« mettre le praticien en mesure de répondre aux obligations lui incombant vis-à-vis de Vincent Lambert en vertu du code de la santé publique »). « Il ne résulte pas de l'instruction que le centre hospitalier aurait à prendre d'autres mesures que celles qu'il a déjà pu mettre en œuvre » pour lever les éventuels obstacles ou dysfonctionnements susceptibles d'affecter l'accomplissement de la mission du médecin, stipule la décision.
Le Conseil d'État déduit que le médecin nouvellement en charge de Vincent Lambert (le Dr Simon a quitté l'hôpital en janvier 2017) devra se prononcer sur l'engagement d'une procédure d'examen du maintien de son alimentation et hydratation artificielle.
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