L'exécutif a-t-il été efficace dans le pilotage de la crise sanitaire ? Alors que la commission d'enquête parlementaire a entamé ses auditions, une note de l'Institut Montaigne critique vertement l'action de la puissance publique.
« La gestion de la crise par l’État a révélé des failles et des dysfonctionnements de l’action publique qui renvoient à des traits structurels », écrit Nicolas Bauquet, directeur des études du think tank libéral, après avoir mené des dizaines d'entretiens auprès des acteurs de terrain. Son analyse dénonce le choix d'une organisation beaucoup trop centralisée et verticale. Un choix jugé contre-productif alors que l'État aurait pu mobiliser de façon plus agile les collectivités territoriales et la société civile.
Rigide
Dès le début de la crise (de fin janvier à mi-mars), le ministère de la Santé a piloté seul la réponse de l'État, via une cellule de crise dirigée par la direction générale de la santé (DGS). Les agences régionales de santé (ARS) se sont retrouvées en première ligne pour manager en urgence la réorganisation des hôpitaux, la logistique et les transferts des patients. « La chaîne hiérarchique complexe qui relie la DGS, Santé publique France, les ARS et les 38 établissements de santé qui restent jusqu’à la fin du mois de février les seuls habilités à accueillir et tester les malades du Covid-19 représente un obstacle majeur à la prise de conscience de la circulation épidémique, et à une révision rapide des dispositifs de dépistage, de prise en charge et de communication », assène l'auteur. En clair, il aurait fallu organiser des circuits de décision plus courts et partager les informations au niveau local.
Même critique sur les tests. C’est la DGS qui administre le dispositif, à travers une série de points de contrôle (Centre national de référence/Institut Pasteur, établissements de référence), validant les tests candidats à l’importation ou à la production. Ce système « particulièrement rigide » laisse peu de marges de manœuvre aux initiatives des acteurs de terrain. « Ce qui a pu rendre très difficile de capter, et plus encore de faire remonter les signaux faibles », déplore l’Institut Montaigne. De manière générale, c’est une politique « restrictive » qui a été mise en œuvre, « indépendamment des ressources effectivement mobilisables ».
Autre dysfonctionnement : l’attelage du pouvoir politique et du pouvoir médical pendant la crise. Alors que cette alliance aurait pu être structurante, plusieurs handicaps sont identifiés : « nature incertaine » du statut et du rôle du conseil scientifique, « brouillage des lignes entre médecins et politiques » (le pouvoir étant aussi exercé par des médecins – Agnès Buzyn, Olivier Véran, Jérôme Salomon), faible place donnée à la santé publique, absence d'assise d’une grande institution de recherche indépendante. Il en résulte aux yeux de l'Institut Montaigne « un manque de stratégie scientifique pour construire un appareil de connaissance efficace du suivi de l’épidémie, et une incertitude de l’opinion sur la source et l’autorité de la parole scientifique ».
État refermé
La culture de la verticalité s'est illustrée dans le rapport aux territoires. Là encore, les ARS ont concentré nombre de critiques en commençant par la lourdeur bureaucratique et la volonté de contrôle de l'information. Face aux impératifs locaux (approvisionnement de masques, transferts de malades, dépistage massif), l'État apparaît parfois comme « empêché » et « paralysé », notamment du fait de « l’absence de chaîne hiérarchique claire entre les préfets et les agences régionales de santé ».
L'État est aussi apparu « refermé » sur lui-même, prisonnier « d’une logique centrée sur le maintien de l’ordre public, souvent déconnecté des défis concrets que devaient relever, dans l’urgence, les acteurs locaux ». L'étude pointe au passage le manque de démocratie sanitaire. À l’exception de quelques expériences, la société civile et les associations ont été peu associées dans la bataille alors que leur contact avec les populations aurait pu se révéler précieux.
Pour accroître l’efficacité de l’action publique, le think tank souhaite restaurer des lignes hiérarchiques claires au sein de l’État, « au niveau central comme au niveau déconcentré », en « revenant sur la multiplication des agences » et en revoyant la prise de responsabilité à « chacun des échelons ». L'État doit aussi s’appuyer sur les élus dans le cadre d'un dialogue stratégique avec les collectivités locales. Il conviendrait enfin de miser sur le numérique pour « casser les verticalités administratives ».
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