Son utilité ayant déjà été démontrée pour détecter la prééclampsie en population générale, le dosage du facteur de croissance placentaire (PLGF) prédit aussi cette complication en cas de drépanocytose maternelle. Ces femmes ont un risque de prééclampsie deux à trois fois plus élevé, selon la définition traditionnelle (incluant une pression artérielle supérieure à 140/90 mmHg). Néanmoins, alors qu’en cas d’hémoglobinose S, la pression artérielle est plus basse, la prévalence de cette complication pourrait être sous-estimée.
L’interprétabilité en contexte drépanocytaire du PLGF posait question car les femmes concernées surexpriment naturellement la protéine. Pour en savoir davantage, des chercheurs du Mount Sinaï Hospital de Toronto ont mené une étude rétrospective auprès de 83 femmes enceintes avec une drépanocytose et un groupe contrôle de 149 femmes noires sans. Ils publient leurs résultats dans la revue Blood Advances.
« Les patientes avec une drépanocytose sont à haut risque de prééclampsie mais une difficulté est qu’elles produisent du PLGF même lorsqu’elles ne sont pas enceintes », détaille le Pr Kinga Malinowski, investigateur principal de l’étude. « Cela a posé la question de la possibilité d’utiliser ce marqueur pour prédire la prééclampsie dans cette population et notre étude montre que oui et ce avec les mêmes valeurs de référence que pour les patientes sans drépanocytose », ajoute-t-il.
Une prédiction efficace seulement pour la prééclampsie précoce
En médiane, les niveaux de PLGF chez les personnes avec une drépanocytose et une prééclampsie précoce (survenant avant 34 semaines d’aménorrhée [SA]) étaient significativement plus faibles à 20 – 24 semaines d’aménorrhée (SA) (78 pg/mL) que pour une prééclampsie tardive (158 pg/mL) ou pas de prééclampsie (435 pg/mL) dans la même population. La tendance se retrouve dans le groupe contrôle de femmes noires sans drépanocytose (respectivement 55, 448 et 322 pg/mL).
Ainsi, dans un contexte de drépanocytose, un taux de PLGF inférieur à 100 pg/mL entre 20 et 24 SA possède une sensibilité, une spécificité, une valeur prédictive positive (PPV) et une valeur prédictive négative (VPN) de 100 % pour la prédiction d’une prééclampsie précoce. Avec un dosage plus tard, entre 24 et 28 SA, pour le même seuil, si la spécificité se maintient à 100 %, la sensibilité baisse à 75 %. Pour atteindre les 100 %, il faut définir le seuil à 396 pg/mL. Pour un dosage entre le 28 à 32 SA, avec un seuil de 100 pg/mL, la sensibilité et la VPN sont de 100 %, la spécificité de 85,7 % et la PPV de 50 %.
Pour la prééclampsie tardive (après 34 SA), l’efficacité du test prédictif pour la même valeur seuil est notablement réduite : un seuil de 100 pg/mL était associé à une sensibilité de seulement 20 % entre 20 et 24 SA et de 50 % entre 24 et 28 SA et entre 28 et 32 SA. La spécificité était elle aussi moins bonne, à raison de 95 % entre 24 et 28 SA ; 85,7 % entre 28 et 32 SA.
Un surrisque de pathologies placentaires
En parallèle, les chercheurs ont réalisé une analyse des pathologies placentaires. La plus commune était la mauvaise perfusion vasculaire d'origine maternelle (MVM) et son incidence était particulièrement élevée en contexte drépanocytaire : 75 % des grossesses avec prééclampsie précoce, 100 % des prééclampsies tardives et 69 % des cas sans prééclampsie (contre 67, 86 et 47 % respectivement dans le groupe contrôle).
Le risque de MVM était associé à des taux de PLGF faibles quel que soit le terme de la grossesse. Par exemple, entre 24 et 28 semaines, les niveaux médians du facteur de croissance étaient de 300 pg/mL en cas de MVM contre 540 pg/mL dans les autres situations. Les faibles taux de PLGF chez les femmes avec une drépanocytose seraient bien liés avec des pathologies placentaires. Le dosage de PLGF serait à réaliser tôt dans la grossesse, à 20-24 SA, pour être informatif du risque de prééclampsie précoce et que les femmes concernées reçoivent des soins et une surveillance renforcés.
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