LE QUOTIDIEN : Quelles sont les spécificités de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent par rapport à celle de l'adulte ?
La première particularité, c'est que l'enfant et l'adolescent sont des êtres en développement. Il se produit chez eux des phénomènes de remodelage qui font que le cerveau d'un enfant de trois ans est différent de celui d'un adolescent de 14 ans et de celui d'un adulte.
Au-delà de ces différences physiologiques, l'approche neurodéveloppementale a été une forme de révolution, en montrant que le cerveau peut présenter des spécificités de fonctionnement. De l'autisme aux troubles des apprentissages et de l'attention, en passant par les troubles anxieux, c'est un public très varié qui consulte.
En termes de prise en charge, aujourd'hui nous savons qu'on ne peut pas comprendre un enfant ou un adolescent sans s'intéresser à son environnement. Il faut une approche systémique, prenant en compte ce qu'il se passe dans sa famille, à l'école… Les études épigénétiques montrent aussi que ce qui se passe dans les générations précédentes peut avoir des effets sur l'enfant lui-même. Ce qui conforte cette idée d'une prise en compte de toutes ses dimensions. D'autant que ce que les parents comprennent et leur attitude peuvent atténuer ou au contraire renforcer l'expression d'un trouble du neurodéveloppement (TND).
En tant que pédopsychiatre, nous ne recevons pas uniquement les enfants qui ont un diagnostic psychiatrique, mais aussi des enfants qui présentent des difficultés sans maladie avérée. C'est aussi une complexité par rapport à l'adulte. Et finalement, en intervenant, nous parvenons à relancer les parcours de développement qui vont se normaliser. Et contrairement à l'adulte, l'enfant ou l'adolescent est rarement le demandeur de soins.
Les troubles ne s'expriment pas de la même manière chez l'enfant et chez l'adulte.
En psychiatrie de l'adulte, le discours permet généralement d'orienter le diagnostic. Chez l'enfant et même chez l'adolescent, il ne peut suffire. Dans le cas de la dépression par exemple, la pathologie va s'exprimer par une modification du comportement, comme de l'agitation, une perte des investissements. Et parfois, plus particulièrement à l'adolescence, un repli dans un univers virtuel. C'est en prenant en compte cette rupture par rapport à l'état antérieur que le clinicien fait l'hypothèse d'un effondrement dépressif.
Quelles sont les situations pour lesquels des traitements sont efficaces ?
La SFPEADA a élaboré un site d'aide à la prescription pharmacologique* précisant pour chaque trouble la liste des molécules qui disposent d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou qui ont au moins apporté la preuve de leur efficacité dans des études. Il y en a peu. Le marché des médicaments pédiatriques intéresse peu les industriels.
Dans tous les cas, la prescription de psychotropes est toujours assortie d'un accompagnement de l'enfant et des parents et n'est proposée que lorsque ces mesures ne suffisent pas.
Dans le trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), le méthylphénidate, qui a fait l'objet d'un grand nombre d'études, permet d'améliorer l'attention, de faciliter les apprentissages et la socialisation. Quant aux antidépresseurs, la fluoxétine peut être intéressante dans le cadre de la dépression et de troubles anxieux majeurs, après une évaluation approfondie. La sertraline est par ailleurs indiquée dans le trouble obsessionnel-compulsif et la mélatonine peut être prescrite dans les troubles du sommeil. Et de façon beaucoup plus à la marge, des antipsychotiques peuvent avoir un intérêt dans des dysrégulations émotionnelles majeures.
Concernant les hypnotiques, comme les benzodiazépines, les données scientifiques ne vont pas dans le sens d'une prescription en pédopsychiatrie. Ils sont cependant prescrits, probablement pour des troubles du comportement. C'est une extrapolation de données adultes qui n'ont jamais été vérifiées dans cette population.
Quels risques à prescrire des médicaments pour adultes ?
C'est un gros problème car, comme on l'a dit, le cerveau d'un enfant n'est pas celui d'un adulte. La cinétique et la psychopharmacologie sont différentes. La prudence doit être de mise, car nous ne disposons pas de données scientifiques justifiant de l’efficacité et de l'innocuité de ces médicaments de l'adulte.
Les prescriptions hors indications ne sont pas rares, car le pédopsychiatre étant difficilement accessible, le médecin traitant va prescrire en fonction de sa formation et de ses connaissances. Or, il n’y a pas de formation à la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent dans le socle de base des études de médecine.
*pharmacologie.sfpeada.fr
Article précédent
Après un rapport polémique, un appel à ne pas diaboliser les médicaments
Après un rapport polémique, un appel à ne pas diaboliser les médicaments
« On ne peut pas comprendre un enfant sans s'intéresser à son environnement »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?
Maintien des connaissances et des compétences
La certification périodique marque des points