À quelques jours des Virades de l’espoir, les 27 et 28 septembre, le laboratoire Vertex a communiqué les données positives de l’étude en vie réelle Solar sur le Kaftrio (ivacaftor/tézacaftor/élexacaftor) dans la mucoviscidose. Demandée par la Haute Autorité de santé, il s’agit de la plus vaste étude de ce genre dans cette pathologie, avec 3 866 patients inclus d’après le registre français de la mucoviscidose.
Au bout de 12 mois, le volume expiratoire maximum par seconde (VEMS) était augmenté de 14,8 %, et au bout de 24 mois de 15,9 %, par rapport aux douze années écoulées avant le début du traitement. « Ces résultats sont proches des 14 % d’amélioration constatés dans les essais cliniques », commente le Pr Pierre-Régis Burgel (hôpital Cochin, AP-HP), coordinateur national de la filière Maladies rares consacrée à la mucoviscidose et autres maladies liées à des anomalies du CFTR.
Parmi les participants, figuraient 450 patients sévères sélectionnés dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation du Kaftrio. Leur présence aurait théoriquement dû tirer le résultat vers le bas, comme l’explique le Pr Burgel. « Il s’agit de malades assez âgés, dont la perte de fonction pulmonaire est non seulement due à la présence du mucus déshydraté et collant que va éliminer le Kaftrio, mais aussi à des lésions pulmonaires irréversibles accumulées au fil des années, précise-t-il. Les patients plus jeunes peuvent avoir des VEMS très faibles, de l’ordre de 20 %, mais la marge de progression avec le Kaftrio est plus importante. »
Chute drastique des greffes pulmonaires
La proportion de patients ayant eu au moins une exacerbation traitée par antibiothérapie intraveineuse est passée de 39,5 % à 5,7 % au bout de 12 mois, et à 14,8 % au bout de 24 mois. Le taux d’exacerbations pulmonaires annuelles passe, lui, de 0,92 à 0,07 après 12 mois et à 0,22 après 24 mois. Alors que les patients atteints de mucoviscidose ont tendance à être dénutris, les investigateurs constatent une amélioration de l’indice de masse corporelle (IMC).
Soixante-douze patients étaient éligibles à la greffe de poumon au moment de leur entrée dans l’étude. Moins de 10 d’entre eux ont finalement dû être transplantés, les autres ayant vu leur état s’améliorer nettement au cours des 36 mois de suivi. L’impact sur les autres organes a également été scruté de près. « Les atteintes ORL sont bien contrôlées, les infections chroniques sont toujours là mais avec un profil différent, enfin l’insuffisance pancréatique exocrine persiste dans 85 % », liste le Pr Burgel.
De multiples atteintes d’organes
Les patients étaient tous porteurs d’au moins un allèle F508del : 92 à 95 % des patients répertoriés en France possèdent au moins un variant avec cette mutation. Il existe aussi un petit pourcentage de patients qui ne produisent aucun CFTR et ne répondent donc pas aux modulateurs de cette protéine, et pour qui de nouvelles pistes de recherche doivent être explorées, comme la thérapie génique.
Kaftrio s’inscrit dans la droite ligne des progrès réalisés dans la prise en change de la mucoviscidose depuis les années 1950. « Autrefois, les patients étaient tous traités en pédiatrie, et aujourd’hui, avec l’augmentation de leur espérance de vie, les services de pneumologie prennent le relais », raconte le Pr Burgel. L’arrivée de Kaftrio a fortement réduit la mortalité liée aux atteintes pulmonaires, qui représentait 80 à 90 % des décès avant 2020. « En 2019, la mucoviscidose représentait à elle seule une centaine de greffes pulmonaires, soit le tiers du total des transplantations de cet organe toutes indications confondues », précise le spécialiste.
Une coloscopie est recommandée dès 40 ans pour le dépistage du cancer
La protéine CFTR est impliquée dans le bon fonctionnement d’un grand nombre d’organes. Avec le vieillissement de la population, de nouvelles pathologies émergent et on ignore encore si elles peuvent être infléchies par le Kaftrio. Ainsi, 25 % des malades sont atteints de diabète. Un surrisque de cancer digestif est également bien décrit et un consensus a d’ailleurs émergé sur la mise en place d’un dépistage du cancer du côlon par coloscopie dès 40 ans chez les patients atteints de mucoviscidose, et dès 30 ans chez ceux qui ont bénéficié d’une greffe de poumon. « On commence aussi à avoir des données sur les cancers gynécologiques », note le Pr Burgel. Enfin, si la santé mentale est améliorée par le traitement par Kaftrio, elle semble s’aggraver chez une petite minorité de patients.
Parce qu’il faut démêler toutes ces questions, Solar ne sera pas la dernière étude en vie réelle sur les modulateurs du CFTR. Déjà, l’association Vaincre la mucoviscidose soutient des études de chaînage de traitement à l’aide du système national des données de santé (SNDS).
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