Utilisés dans de bonnes conditions et avec des programmes adaptés, les écrans représentent un outil prometteur aussi bien dans le cadre des apprentissages que de la prise en charge de pathologies tels que le trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
« Qu’il s’agisse de télévision, de jeux vidéo ou de réseaux sociaux, les effets dépendent des contenus et des activités pratiquées », indique Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation à l’université de Paris. Une étude de 2010 (1) en témoigne : chez des enfants de 2,5 à 5 ans, le programme « Dora l'exploratrice » améliore le vocabulaire des enfants, quand « Les Teletubbies » sont au contraire néfastes.
Dans le cadre des apprentissages scolaires, les écrans commencent à être utilisés notamment pour la lecture, le calcul et l'écriture. « Le recours à des tablettes permet de corriger les réponses de l'enfant en temps réel et de différencier l'apprentissage. Il y a, de plus, un aspect motivationnel associé aux écrans qui peut favoriser les apprentissages de l'enfant », estime Grégoire Borst.
Jeux vidéo et attention
Les jeux vidéo d'action permettent quant à eux de développer des compétences stratégiques, comme la prise de décision rapide et la capacité d'innovation, selon un rapport de 2013 de l'Académie des sciences. Une méta-analyse publiée la même année (2) montre aussi les bénéfices des jeux vidéo d'action en termes de capacités attentionnelles et de vitesse de traitement de l'information. « Dans la plupart des études, l'effet est évalué juste après le jeu, mais certaines études ont aussi montré des bénéfices maintenus à six mois, voire jusqu'à deux ans chez l'adulte », note Grégoire Borst.
Concernant les exergames, ces jeux vidéo qui impliquent de l'exercice physique, le Haut Conseil de la santé publique rapporte les résultats d'une revue de la littérature de 2011 dans son rapport de janvier 2020 : « les “exergames” peuvent avoir des effets positifs sur le développement cognitif, les interactions sociales et l'activité physique des enfants ».
Le rapport de l'Académie des sciences de 2013 pointe également les effets positifs des jeux en réseau en termes de socialisation, « en exerçant l'aptitude à imaginer le point de vue ou l'histoire de l'autre et à en tenir compte ».
Dans un autre registre, l'utilisation des réseaux sociaux par les adolescents pourrait aussi avoir des effets positifs en termes de lien social, à travers « un élargissement des possibilités de communication et des opportunités d’échapper à la solitude qui peuvent parfois sauver des vies », lit-on dans un appel commun de l'Académie des sciences, de l'Académie de médecine et de l'Académie des technologies d'avril 2019.
Réalité virtuelle
Les écrans s'immiscent par ailleurs dans la prise en charge de certaines pathologies. Plusieurs approches sont développées dans le TDAH notamment, avec « l'idée de tirer parti de l'hyperfocalisation que présentent les enfants TDAH pour améliorer leurs capacités attentionnelles », explique le Dr Hervé Caci, pédopsychiatre au CHU de Nice.
Le neurofeedback, qui permet de traiter quasiment en temps réel les signaux électroencéphalographiques, consiste à entraîner le cerveau à rester concentré sur une tâche type jeu vidéo, tandis que le système est capable de détecter les signes d'un désengagement attentionnel. « Validée par la Food and Drug Administration, cette technique peine à se développer en France du fait de l'absence de prise en charge par l'Assurance-maladie, regrette le Dr Hervé Caci. À Nice, nous l'utilisons dans une étude clinique dont les résultats à mi-parcours sont encourageants. Six mois après les 30 séances, au rythme de deux par semaine, l'effet sur les symptômes cardinaux du TDAH reste stable dans un sous-groupe d'enfants ».
Avec son équipe, la Dr Stéphanie Bioulac, psychiatre pour enfants et adolescents au CHU de Bordeaux, développe des programmes de réalité virtuelle permettant de simuler des situations au plus proche du quotidien de l'enfant. « Nous avons mené une étude (5) où les enfants sont immergés dans une salle de classe. Ils doivent cliquer sur la souris lorsque la lettre A suivie de la lettre K apparaît au tableau, tout en résistant aux éléments distracteurs, comme quelqu'un qui entre dans la classe, explique la Dr Bioulac. Ces séances de réalité virtuelle ont permis d'obtenir des résultats équivalents au méthylphénidate en termes de capacités attentionnelles ».
L'équipe bordelaise développe également dans une pièce permettant une immersion à 360 ° un programme dans lequel l'enfant devra faire son cartable en dépit des éléments de distraction prévus.
(1) D. Bavelier et al., Neuron, DOI: 10.1016/j.neuron.2010.08.035, 2010
(2) K. L. Powers et al., Psychon Bull Rev, DOI: 10.3758/s13423-013-0418-z, 2013
(3) A. E. Staiano et al., Child Dev Perspect, doi:10.1111/j.1750-8606.2011.00162.x., 2011
(4) S. Franceschini et al., Curr Biol, DOI: 10.1016/j.cub.2013.01.044, 2013
(5) S. Bioulac et al., Eur J Paediatr Neurol, DOI: 10.1016/j.ejpn.2012.01.006, 2012
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