On estime que 50 % des glaucomes primitifs à angle ouvert (GPAO) ne sont pas diagnostiqués dans les pays développés, un chiffre qui va jusqu’à 90 % dans les pays émergents. La prévalence du GPAO est relativement faible : autour de 1 % dans les pays occidentaux, mais de 5 à 9 % en Afrique et en Asie. Aussi, que ce soit selon la HAS ou les recommandations américaines et internationales, il n’y a pas lieu de le dépister systématiquement, afin d’éviter un taux élevé de faux positifs. Un dépistage ciblé est cependant recommandé pour les groupes à haut risque : antécédents familiaux de glaucome, plus de 60 ans, antécédents de myopie forte, diabète ou hypertension artérielle (HTA), pression intraoculaire (PIO) élevée sans atteinte fonctionnelle.
Pour le diagnostiquer on dispose actuellement des moyens classiques, tonométrie, fond d’œil (FO), champ visuel (CV) automatisé, OCT (tomographie en cohérence optique). Des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle (IA) ou la télémédecine pourraient ouvrir de nouvelles opportunités à condition de disposer de tests très spécifiques, pour éviter trop de faux positifs.
Combiner IA et télémédecine
« L’IA pourrait révolutionner le dépistage », se félicite le Pr Djalal Aberkane (Algérie) grâce à l’analyse d’images complexes, issues des rétinographies, de l’OCT et du CV, avec une précision supérieure à celle des experts selon certaines études. Une approche multimodale, avec rétinophotographies, OCT, CV et données cliniques est cependant indispensable.
Une étude a mis en évidence que l’intégration de l’IA à la télémédecine amènerait une sensibilité et une spécificité supérieures à 93 %, se montre fiable et performante même pour les glaucomes précoces, et qu’elle est aussi facilement reproductible et adaptée pour un usage en population générale.
Certaines limites persistent cependant à l’utilisation de l’IA : il est nécessaire d’avoir des bases hétérogènes adaptées à toutes les populations, et des études prospectives sont indispensables pour valider le concept.
Une façon d’optimiser les consultations spécialisées
Si l’analyse automatisée des FO, OCT et CV permet une détection précoce des lésions structurelles et fonctionnelles, avec des performances élevées, comparable à celles des experts humains, elle autoriserait aussi un dépistage décentralisé en soins primaires, grâce à la télémédecine, validée à distance par des ophtalmologistes. L’identification des cas suspects permettrait une optimisation des consultations spécialisées, avec un impact sociétal meilleur, des coûts réduits à grande échelle et une réduction des inégalités de soins.
Néanmoins, le développement des modèles d’IA est encore limité par la dépendance élevée aux données et aux ressources informatiques, les biais liés à l’ethnie et au sexe dans les bases de données.
Une approche génétique
Autre piste, les tests génétiques pourraient identifier des individus à haut risque de glaucome, en particulier dans les formes héréditaires précoces ou agressives.
Une étude pangénomique de 2018 a identifié 112 loci, dont 68 nouveaux, associés avec la PIO et le développement du GPAO. Ce qui permettrait de recourir à des marqueurs génétiques pour améliorer le dépistage de la maladie ou prédire son histoire naturelle chez chaque individu.
Une autre étude de 2016 a montré pour la première fois l’utilité clinique d’un test portant sur le gène Myoc-myocilin, afin de déterminer les patients à risque de développer un glaucome précocement. Plus récemment, un score de risque polygénique combinant plusieurs variants génétiques se montre significativement corrélé à un risque de glaucome, avec un bon rapport coût/efficacité. « On pourrait ainsi envisager un dépistage en deux temps, avec en premier lieu la réalisation d’un score polygénique, pour repérer les patients à haut risque de glaucome, suivie par une imagerie soumise à un algorithme de l’IA », explique l’ophtalmologiste.
Vers une stratégie fiable et peu onéreuse
Avec les nouvelles technologies facilitant le dépistage, de nombreux arguments plaident pour un dépistage du glaucome précoce, avant les dommages irréversibles, d’autant que la prévalence va croissant, du fait du vieillissement de la population ; de plus, on dispose de traitements efficaces pour ralentir la progression, ce qui réduit les coûts à long terme liés à la perte de vision.
La télémédecine a le potentiel pour améliorer la prise en charge du glaucome tout en réduisant le poids sur les patients et sur le système de santé. Le dépistage sera aussi facilité par l’existence de systèmes d’imagerie portatifs et peu onéreux : caméras, rétinophotographie, OCT, aux performances identiques aux appareils classiques et utilisables dans les zones éloignées et/ou à faibles ressources.
D’après la session symposium franco-maghrébin : glaucome
Article précédent
Amblyopie : le train de la vision ne repasse pas
Article suivant
Accidents oculaires
Amblyopie : le train de la vision ne repasse pas
Comment améliorer le dépistage du glaucome ?
Accidents oculaires
Risques du padel
Urgences ophtalmo
Sommeil à l’œil
Les SMS du congrès SFO 2025
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024