« La civilisation est en crise. Nous ne pouvons plus nourrir la population mondiale de façon saine tout en ménageant les ressources de la planète. » C'est un véritable cri d'alarme que poussent Richard Horton, rédacteur en chef du « Lancet », et la journaliste Tamara Lucas, dans leur commentaire accompagnant le rapport de la commission EAT, publié mercredi dans la revue britannique. Ce document est le fruit de 2 ans de travail et tente de répondre à la question : quel régime alimentaire peut nourrir sainement 10 milliards d'humains à l'horizon 2050, tout en limitant l'impact climatique de l'agriculture ?
« La bonne nouvelle, c'est que c'est possible », assure le Dr Fabrice DeClerck, chercheur du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GIARC), un des 37 experts (20 experts en nutrition et 17 chercheurs agronomes) de la commission EAT, consulté par « le Quotidien ». La mauvaise nouvelle, c'est que pour y parvenir, les changements d'habitudes devront être radicaux. « Pour commencer, il faut réduire de 50 % le gaspillage alimentaire, détaille-t-il. Ensuite, il faut réduire de moitié la quantité moyenne de viande rouge consommée par personne, et doubler la consommation moyenne de fruits, de légumes, de graines et d'oléagineux. »
Au cours de leurs travaux, des experts ont évalué l'impact environnemental des différentes évolutions possibles des pratiques agricoles en fonction des différentes régions. Ils ont conclu qu'il fallait parvenir à produire davantage de calories sur des surfaces agricoles globalement inchangées, tout en réduisant l'utilisation d'eau et d'intrant chimique. Pour cela, ils ont pris en compte les tailles des exploitations, les rendements actuels et les ressources et en eaux sous différentes latitudes.
Ils concluent qu'un modèle agricole « idéal » implique des exploitations de petite taille, avec une grande variété de production maraîchère et céréalière. « Nous ne produisons pas assez de fruits, de légumes et d'oléagineux, explique le Dr DeCLerck, il faudrait augmenter la production de 10 % par an jusqu'en 2050. » Un chiffre astronomique qui ne peut être atteint qu'avec une forte volonté politique et une réorientation massive des 30 % de surfaces agricoles dédiées à l'élevage.
Prévenir plus de 10 millions de décès
Selon les repères nutritionnels fournis par la commission, chaque humain devrait consommer quotidiennement, en 2050, une moyenne de 14 g de viande rouge par personne (contre 46 g actuellement en France selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), 232 g de céréales, 50 g de tubercules, 300 g de légumes, 200 g de fruit, 250 g de produits laitiers et 31 g de sucre. Un tel régime alimentaire pourrait, s'il est adopté à l'échelle mondiale, prévenir 10,8 à 11,6 millions de décès prématurés par an liés à la malnutrition ou aux maladies non transmissibles (diabète, maladie cardio-vasculaire…).
« Dans un pays comme la France, cela implique de gros efforts de santé publique pour changer les comportements, estime le Dr DeClerck, les Français absorbent 3 700 calories par jour, alors qu'un régime alimentaire sain et soutenable suppose de réduire ce chiffre à 2 500 calories. Il faudrait pour cela faire passer des messages de santé publique simple comme "une poignée de noix par jour", ou "privilégier les graines complètes" », précise-t-il.
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