Assimiler le vocabulaire technique, comprendre le fonctionnement d'une anesthésie, se confronter au secret médical, relever des empreintes digitales ou des traces d’ADN dans un lieu aseptisé à l’hygiène maximale… « Je n'imaginais pas l'ampleur de la tâche qui allait être la nôtre lors des longues années suivantes », a déclaré Olivier Verguet, directeur de l'enquête sur les empoisonnements reprochés à l'ex-anesthésiste Frédéric Péchier, qui a décrit mardi 9 septembre devant la cour d'assises du Doubs des investigations pour le moins particulières.
Cette investigation « complexe » a démarré début 2017, avec l'arrêt cardiaque d'une patiente de 36 ans en bonne santé, Sandra Simard, lors d'une opération du dos. « Personne ne comprenait les raisons » de cet incident, survenu le 11 janvier, ce qui avait conduit la médecin en charge de l'anesthésie à faire saisir, à des fins d'analyse, les poches de soluté utilisées lors de l'opération.
Dans une poche de réhydratation est découverte une concentration de potassium 100 fois supérieure à celle attendue. Lors de cet incident, le Dr Péchier avait aidé à réanimer Sandra Simard, préconisant de lui administrer du gluconate de calcium, un antidote à une surdose de potassium, explique Olivier Verguet, or « d'après les premiers témoignages, il n'était pas en mesure de faire ce diagnostic ».
La direction de la clinique Saint-Vincent alerte le parquet de Besançon.
Psychose au bloc
Le 20 janvier, alors que des enquêteurs de la police judiciaire se trouvent dans l'établissement, Jean-Claude Gandon, 70 ans, fait à son tour un arrêt cardiaque au cours d'une opération dont l'anesthésie était cette fois confiée au Dr Péchier. Les investigations révèlent une intoxication à la mépivacaïne, un anesthésique local.
C'est la première et seule fois qu'un patient du Dr Péchier est victime d'un arrêt cardiaque suspect. Il survit.
L'anesthésiste, qui avait signalé la présence de poches de paracétamol étrangement percées dans la salle d'opération, s'estime victime d'un acte malveillant. Mais les enquêteurs le soupçonnent au contraire d'avoir sciemment empoisonné son propre patient afin de se forger un alibi.
Ces deux « événements indésirables graves » (EIG) entraînent l'ouverture d'une information judiciaire dès le 7 février.
Les enquêteurs redoutent à l'époque de nouveaux empoisonnements. « Il y avait une véritable inquiétude de réitération » et « une psychose commençait à naître dans ce bloc opératoire », témoigne le policier devant la cour.
Au fil de l'enquête, les policiers établissent des rapprochements avec d'autres cas d'empoisonnements - mode opératoire, heure matinale des faits -, et commencent à trouver la présence récurrente du Dr Péchier inquiétante.
En mars 2017, l'anesthésiste est placé en garde à vue et mis en examen pour sept empoisonnements avec préméditation : trois survenus à la Polyclinique de Franche-Comté et quatre à la clinique Saint-Vincent.
Risque de réclusion criminelle à perpétuité
Au fil d'investigations longues et complexes, Frédéric Péchier est une deuxième fois mis en examen en mai 2019, pour 17 nouveaux cas, puis une troisième fois en mars 2023, pour six cas supplémentaires.
Clamant son innocence, l'ancien médecin est jugé depuis lundi à Besançon, accusé d'avoir provoqué un arrêt cardiaque chez 30 patients âgés de 4 à 89 ans, en polluant volontairement des poches de solutés ou de paracétamol. Parmi ces 30 victimes, douze sont mortes.
Selon l'accusation, le médecin aurait agi ainsi pour nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit et démontrer ensuite ses qualités de réanimateur.
Devant la cour, Frédéric Péchier a réaffirmé lundi ce qu'il dit depuis le début : il n'a « jamais empoisonné » personne. Après huit ans d'enquête, il comparaît libre mais risque la réclusion criminelle à perpétuité.
Jadis décrit comme la star des anesthésistes de Besançon, ce père de trois enfants a tout perdu. Il a divorcé, ne travaille plus et vit désormais du RSA.
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