Le Dr Bruno Perrouty, neurologue libéral à Carpentras (Vaucluse), a été élu mercredi soir à la présidence de branche spécialiste de la CSMF par le bureau. Il succède ainsi au Dr Franck Devulder qui a pris la tête de la Confédération le 12 mars dernier. Également président du Syndicat national des neurologues, le spécialiste défend quatre niveaux de consultations et la mise en place des équipes de soins spécialisés. Il prône également l'unité syndicale, à quelques mois de l'ouverture des négociations en vue de la prochaine convention médicale.
LE QUOTIDIEN : Quelles sont les priorités aujourd'hui à défendre pour la médecine spécialisée libérale, selon vous ?
Dr BRUNO PERROUTY : Les spécialités médicales chez les libéraux doivent être absolument reconnues. Ces médecins sont les experts de proximité les mieux à même de répondre en première ligne, en collaboration avec les médecins traitants. Or il y a parfois une tendance à l'hospitalocentrisme qui est dommageable alors que nous sommes complémentaires.
Par ailleurs, dans les suites de l'avenant 9 à la convention médicale, certaines spécialités médicales sont toujours en difficulté. L'avenant a esquissé quelque chose pour les psychiatres, les pédiatres, les gynécologues et les endocrinologues, mais c'est notoirement insuffisant. La démarche de l'avenant de se concentrer sur des spécialités et non pas sur des actes de consultation est une erreur. Pour toutes les spécialités, l'acte de consultation doit être valorisé. Cela permettrait ainsi de revaloriser tous les spécialistes qui ne font que des consultations.
Que proposez-vous ?
Il faut hiérarchiser de façon plus simple les consultations, avec quatre niveaux en fonction de l'expertise, de la technicité, du stress, de la durée, de la responsabilité et de la temporalité de la consultation. Les consultations les plus « expertes » de spécialistes doivent être moins fréquentes mais mieux valorisées et bien ciblées à des moments particuliers : annonces de diagnostic de maladies chroniques rares, prévention à des âges clés (enfant, jeune adulte, cinquantaine). Actuellement, le système des actes et majorations est un millefeuille illisible pour les confrères et très peu d'entre eux les appliquent. Nous sommes aussi en faveur d'une nouvelle hiérarchisation des actes techniques, pertinente et adaptée à nos pratiques, avec la possibilité d’en associer certains à des actes cliniques, c'est une demande de nombreux médecins.
Dans le même temps, en espaçant les consultations, on va pouvoir déléguer certaines tâches. Nous sommes tout à fait favorables à travailler avec les paramédicaux, et notamment les infirmiers en pratique avancée (IPA). Cependant, il faut que cela soit coordonné avec le médecin, seul expert du diagnostic et du protocole de soins.
Quelle est votre position sur les établissements où exercent les médecins spécialistes libéraux ?
Les établissements de santé privés sont une problématique particulière, ils ont actuellement des difficultés importantes de fonctionnement. 10 % des lits sont fermés car il manque des infirmières pour les faire tourner. Cela pose un problème pour les spécialistes de ces établissements, qui ont déjà beaucoup souffert pendant la crise sanitaire des fermetures et des déprogrammations administratives.
Par ailleurs, les médecins doivent avoir leur mot à dire sur le fonctionnement de la clinique où ils travaillent. La problématique des groupes financiers dans la santé doit être analysée de près. Qu'il y ait des investisseurs, dans une économie libérale c'est une bonne chose, mais il faut que le fonctionnement de l'établissement reste à la main des médecins.
Que défendrez-vous lors des négociations conventionnelles qui s'ouvriront bientôt ?
Cette convention doit être l'occasion de refonder complètement le dialogue conventionnel. Jusqu'à présent il y avait une lettre de cadrage, avec un directeur général de la Cnam contraint par le ministère de façon budgétaire. Ce n'est pas la bonne solution. Il y a une crise majeure du système de santé, nos concitoyens n'arrivent plus à accéder aux soins de façon satisfaisante. Il faut un Ségur de la ville, voire un plan Marshall pour la santé. Nous arriverons avec des propositions à la Cnam, et nous verrons comment elles pourront être appliquées. Nous sommes d'ailleurs favorables à l'unité syndicale : on doit retrouver les moyens de se parler entre syndicats pour faire des propositions communes.
Outre nos propositions sur la hiérarchisation et la valorisation des actes, nous avons une volonté de coordination sur les territoires pour améliorer le parcours de soins. Les Spécialistes-CSMF portent les équipes de soins spécialisées (ESS), pour mieux répondre à la demande des médecins traitants dans l'instant. Nous défendons aussi un volet social (IJ, congé maternité, retraites) car c'est un élément d'attractivité. Si on veut mobiliser les 14 000 médecins en cumul emploi retraite, il faut permettre que les cotisations qu'ils paient leur ouvrent de nouveaux droits et une augmentation de leur retraite définitive !
Enfin, le paiement à l'acte doit rester la pierre angulaire de la médecine libérale. Le paiement forfaitaire n'est pas une solution pertinente en particulier pour les spécialistes hors médecine générale. L'évolution des forfaits est même parfois un danger, quand on voit que dans le forfait structure, la coordination est en train de basculer dans le volet des prérequis obligatoires.
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