La décision était extrêmement attendue, tout particulièrement pour les victimes. La cour criminelle du Morbihan a rendu son verdict dans le procès de Joël Le Scouarnec, condamnant l’ex-chirurgien pédocriminel de 74 ans à la peine de 20 ans de réclusion criminelle pour ces faits, dont deux tiers de peine de sûreté (période pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucun aménagement de peine). « Il a été tenu compte que les faits commis sont d’une particulière gravité en raison à la fois du nombre de victimes, de leur jeune âge et du caractère compulsif », explique la cour dans son délibéré.
Une peine quasi similaire à celle requise par l’avocat général Stéphane Kellenberger. Mais avec une différence notoire : la cour n’a pas retenu la mesure de « rétention de sûreté », réclamée par le parquet et par de très nombreuses victimes, notamment en raison de la « volonté de réparer » de Joël Le Scouarnec. Cette mesure rare, qui concerne essentiellement des délinquants sexuels, permet de placer dans un centre unique en France un criminel présentant un risque élevé de récidive après la fin de sa peine.
Un procès historique avec 60 avocats pour les parties civiles
Au rendu du délibéré, la présidente de la cour a expliqué que « si un risque de récidive existe, il ne suffit pas à lui seul à prononcer le principe d’une rétention de sûreté qui doit conserver un caractère exceptionnel ». Elle a cependant ordonné « un suivi socio-judiciaire de quinze années » pour l’ex-chirurgien, ainsi qu’une interdiction définitive d’exercer sa profession.
Joël Le Scouarnec était accusé d’avoir commis 111 viols et 188 agressions sexuelles entre 1989 et 2014, dont une large majorité de patients mineurs au moment des faits. Ce procès, commencé le 24 février 2025, a réuni quelque 60 avocats de parties civiles qui ont plaidé, tantôt individuellement, tantôt en se regroupant autour de thèmes précis, pendant presque trois jours.
Le 20 mars, Joël Le Scouarnec avait fait le choix de reconnaître l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés, endossant également par la suite la responsabilité pour la mort de deux victimes, l’une par overdose et l’autre par suicide. « À la cour, je ne sollicite aucune mansuétude. Accordez-moi simplement le droit de devenir meilleur et de reconquérir cette part d’humanité qui m’a tellement fait défaut », avait-il encore déclaré ce lundi 26 mai pour sa dernière prise de parole. Une démarche qui a très peu convaincu du côté de la plupart des avocats des parties civiles, qui y ont vu un simple tour de passe-passe. « Reconnaître tout, c’est ne rien reconnaître », a ainsi remarqué Me Giovanni Bertho-Briand. « Il nous a été martelé votre grande repentance, la grande sérénade de “j’ai changé” », s’était agacé Me Delphine Caro. « Mais à qui ferez-vous croire que vous avez changé ? »
20 ans, c’est peu au regard du nombre de victimes que nous avons dans ce procès. Il est temps que les textes changent
Me Francesca Satta, avocate de plusieurs victimes
La condamnation à une « rétention de sûreté » était l’un des grandes questions de ce procès. Pour Manon Lemoine, que Joël Le Scouarnec a reconnu avoir violée à l’âge de 11 ans, l’adoption de cette mesure par la cour était « le véritable enjeu » du verdict. « Si (elle) n’est pas prononcée, c’est une honte », déclarait-elle à l’AFP avant le délibéré. Son avocate, Me Marie Grimaud, espérait quant à elle que « la cour ne passera pas à côté (...) du risque de dangerosité extrêmement important » de Joël Le Scouarnec. Ils n’ont donc pas obtenu gain de cause auprès de la cour. Auprès de France info, Me Francesca Satta, avocate de plusieurs victimes, a réagi à la sortie du tribunal, affirmant que « 20 ans, c’est peu au regard du nombre de victimes que nous avons dans ce procès. Il est temps que les textes changent ».
La fin de ce procès ne marque cependant pas la fin définitive de « l’affaire Le Scouarnec ». Lors de ses réquisitions, l’avocat général a ainsi affirmé qu’il « y aura probablement une autre procédure ». Le parquet de Lorient a ouvert deux enquêtes liées à l’ex-chirurgien pédocriminel, dont l’une, révélée à l’AFP le 20 mars, concerne « des victimes éventuellement non identifiées ou nouvellement déclarées » d’agressions sexuelles et viols perpétrés par l’ex-chirurgien viscéral. Selon un décompte des avocats des parties civiles, rapporté par France info, plusieurs dizaines d’autres victimes oubliées se seraient ainsi manifestées durant le procès.
Pas d’appel
L'ex-chirurgien pédocriminel ne fera pas appel du jugement, a annoncé l'un de ses avocats, Me Maxime Tessier.
« M. Le Scouarnec n'a jamais eu l'intention de faire appel », a-t-il déclaré à la presse à l'issue du verdict. Un appel impliquerait de réunir « l'ensemble des parties devant une cour d'assises » et Joël Le Scouarnec a fait le choix « de ne pas imposer un nouveau procès aux parties civiles », a souligné Me Tessier. « Justice est passée parce qu'elle met fin à cette procédure en le déclarant coupable », Joël Le Scouarnec ayant au cours du procès reconnu l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés, a-t-il ajouté.
L'avocat de l'ex-chirurgien se félicite que la cour criminelle du Morbihan « a noté dans sa décision l'extrême importance de la reconnaissance des faits mais également la reconnaissance des conséquences », a dit Me Tessier aux journalistes. De même, la cour criminelle a noté et a insisté dans sa motivation sur le fait que (...) M. Le Scouarnec a exprimé « une volonté de réparer », « un des arguments très forts » ayant joué dans ce verdict, a-t-il analysé.
L’Ordre salue une décision « à la hauteur de la gravité des faits »
Décrié pour s’être constitué partie civile au procès Le Scouarnec et pour son manque de suivi pendant les 30 ans ou l’ex-chirurgien a commis ses crimes, l’Ordre a salué mercredi 28 mai une décision de justice « à la hauteur de la gravité des faits ». Le Cnom en profite pour exprimer une fois de plus ses « regrets (…) pour [l]es insuffisances qui ont pu entacher l’exercice de sa mission de vigilance et de contrôle qu’il doit à la population ». L’Ordre « s’engage à faire toutes les réformes nécessaires et indispensables pour que plus jamais, un tel drame ne puisse se produire ».
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