Si les traitements de l’ostéoporose n’ont pas beaucoup évolué ces dernières années, de nouvelles molécules pourraient changer la donne dans un avenir plus ou moins proche. Revue de détail après L’European Congress on Clinical and Economical aspects of Osteoporosis and Osteoarthritis (ECCEO) qui s’est tenu à Valence du 23 au 26 mars dernier.
La prochaine avancée attendue dans l’ostéporose est le dénosumab (Prolia®), une molécule disponible depuis juin 2010 aux Etats-Unis, mais pas encore en France. Toutefois, son dossier est déjà bien avancé : Prolia a obtenu une AMM européenne et, dans l’Hexagone, son inscription sur la liste des médicaments remboursables est en cours : il sera vraisemblablement disponible fin 2011 ou début 2012.
Le médicament est indiqué dans l’ostéoporose post-ménopausique chez les femmes à risque élevé de fractures. Il réduit le risque de fractures vertébrales, non vertébrales et de la hanche. Prolia a également été évalué chez les hommes afin de prévenir la perte osseuse liée au traitement par un agoniste du Gn-RH en raison d’un cancer de la prostate.
L’originalité du médicament réside dans son principe actif: c’est un anticorps monoclonal qui se fixe à l’antigène RANKL, ce dernier jouant un rôle dans l’activation des ostéoclastes (chargés de la résorption du tissu osseux). Ainsi, en se fixant et en bloquant l’antigène RANKL, le denosumab réduit la formation, la fonction et la survie des ostéoclastes. Il diminue la perte osseuse de façon dose dépendante, entre 3 et 7 % par an au rachis. L’étude Freedom, publiée en 2009 (NEJM), a démontré l’effet anti-fracturaire du denosumab. Après 3 ans de traitement, la molécule a réduit l’incidence de nouvelles fractures vertébrales de 68 % par rapport au placebo, et des fractures non vertébrales toutes confondues de 20 % et de hanche de 40 %. L’effet antirésorptif est plus rapide et plus prononcé qu’avec les bisphosphonates.
Des résultats à 5 ans concernant cette molécule ont été présentés à l'ECCEO*. « Prolia® montre une augmentation continue de la DMO, sans effets indésirables supplémentaires. C'est un argument en faveur du maintien de l'efficacité et d'une bonne sécurité », annonce le Pr Roland Chapurlat (rhumatologue, hôpital Edouard-Herriot Lyon). On rappellera que les effets indésirables les plus couramment rapportés sont des infections urinaires, des rhumes, des sciatiques, des cataractes, une constipation, des éruptions cutanées et des douleurs dans les bras ou les jambes. L'incidence des effets indésirables était comparable dans le groupe traité et dans le groupe placebo. Un fréquence plus élevée des cellulites sous-cutanées graves (incluant les érésypèles) a été constatée sous Prolia. Prolia(r) s’administre en injection sous-cutanée, tous les 6 mois : « On peut attendre de cette posologie biannuelle une amélioration de l'observance », commente Roland Chapurlat. Pour le rhumatologue, Prolia®, qui est en théorie de première intention représente un concurrent sérieux des bisphosphonates. Cependant, « il est difficile de prévoir sa place en France, car elle dépendra des conditions du remboursement, en cours de négociation, et qui risque d'être restrictif » ajoute-t-il.
Les inhibiteurs de la cathepsine
A moyen terme, les inhibiteurs de la cathepsine K (odanacatib et ONO-5334) attirent les regards. La cathepsine K est une protéase exprimée par les ostéoclastes, et dégrade la matrice osseuse. « L'inhibition de la résorption osseuse va généralement de pair avec une inhibition de la formation. Ici, les inhibiteurs de la cathepsine K semblent avoir un effet à peu près neutre sur les marqueurs de la formation, l'effet escompté est donc meilleur, explique le Pr Bernard Cortet (rhumatologue, hôpital Roger-Salengro, CHU de Lille). Une étude de phase II, sur 4 ans, avec une dose de 50 mg une fois par semaine d'odanacatib, montre une augmentation de la densité osseuse de 10,7 % au niveau du rachis – ce qui n'est pas exceptionnel – mais de 8,3 et 8,9 %, respectivement au niveau de la hanche et du col fémoral, là où les biphosphonates améliorent de 5 et 4 % respectivement. Il n'y a pas encore de données pour l'efficacité antifracturaire, mais des résultats de phase III sont attendus pour 2012-2013. »
La piste des agents anabolisants
On trouve peu d’agents qui ont une action anaboslisante et ostéoformatrice sur le marché. Mais « la recherche dans cette voie est intéressante », signale Bernard Cortet. Des molécules anaboliques sont à l’étude, notamment celles ciblant le LRP5 (lipoprotein receptor related protein 5). Cette protéine agit sur la voie de signalisation Wnt et régule la masse osseuse: si son gène est inactivé, cela déclenche une ostéoporose sévère, avec une diminution de la formation osseuse. A l'inverse, l'activation du gène provoque une augmentation de la formation osseuse. La sclérostine et DKK1 (Dickkopf-1) sont des inhibiteurs de LRP5 et de la différentiation des ostéoblastes. LRP5 n'agit pas de manière locale sur l'os mais inhibe la synthèse de sérotonine intestinale – largement connue dans la colopathie fonctionnelle – qui est aussi une nouvelle hormone du remodelage osseux, qui inhibe elle-même la prolifération des ostéoblastes. Des études de phase II sont en cours pour travailler sur ces différentes cibles. Ces traitements stimulent plus la formation que la résorption, ce qui laisse espérer un effet conséquent sur la prévention des fractures. Les résultats d'études en phase II ne sont pas encore connus en totalité. « Les données animales sont mirobolantes, mais les données chez l'homme sont pour l'instant très préliminaires », explique le Pr Cortet.