Au Sénat cette semaine, la discussion sur la réforme Bachelot va relancer le débat sur la continuité des soins en zone déficitaire. Sur le terrain, certains généralistes n’ont pas attendu d’y être contraints et se sont déjà organisés pour répondre aux besoins des patients dans les zones sous-denses. Illustrations en Picardie, dans l’Orne, les Deux-Sèvres et la Mayenne.
Le caractère obligatoire des contrats santé-solidarité chers à Roselyne Bachelot à peine retirés du dispositif « HPST » par la commission des Affaires sociales du Sénat sera-t-il réintroduit lors de l’examen du texte sur lequel se penche cette semaine la Haute Assemblée ? La question reste très sérieusement posée. A tel point que vos représentants, Csmf et SML en tête, font feu de tout bois pour éviter la mise en place d’un dispositif sanitaire contraignant pour les médecins. En clair, la mise en place d’un Schéma régional d’organisation sanitaire libéral et son corollaire, l’instauration à terme de sanctions, notamment financières, pour les médecins généralistes,
installés dans des communes qui ne présentent pas de déficit de médecins, mais limitrophes de zones sous-denses et qui refuseraient d’aller y exercer quelques jours par semaine.
Solutions originales
Pour autant, sur le terrain, les généralistes n’ont pas attendu des dispositions législatives pour
se pencher sur le problème et y apporter des débuts de réponse. Nécessité faisant loi, élus locaux, monde libéral et services d’assurance-maladie commencent à développer des solutions originales. Mais ils ont surtout retenu les échecs de certaines initiatives qui se sont davantage révélées être de fausses bonnes idées que des réponses adaptées et pérennes. Comme le développement des cabinets secondaires qui semble donner, à tout le moins, des résultats mitigés. Si à Marly-Gomont, il est encore trop tôt pour se prononcer (lire article page suivante), dans le département de l’Aube, à quelques encablures de Troyes, chef-lieu du département, le verdict que dresse le Dr Catherine Bulchozer, dans sa « Lettre ouverte d’un médecin volontaire pour les zones sous-dotées » est sans appel. Cette consœur installée dans l’agglomération troyenne s’aperçoit qu’un nombre important de ses patients vient la consulter du Barséquanais, l’une des extrémités du département. Ces derniers se plaignent de la carence de médecins dans leur commune. Le Dr Bulchozer imagine donc « d’anticiper la loi Bachelot » et d’ouvrir un cabinet secondaire en zone déficitaire aux Riceys, situé à 50 km de Troyes. Contact est pris avec le conseil de l’Ordre qui donne son feu vert, avec le maire de la commune et le conseil général. Le 3 octobre 2008, le Dr Bulchozer rejoint ainsi un confrère dans la maison médicale, son tout nouveau cabinet secondaire. Léger problème cependant, le niveau d’activité du Dr Bulchozer aux Riceys a toutes les allures d’un électro-encéphalogramme plat. Bref, après plusieurs semaines d’un grand écart entre son cabinet troyen et celui des Riceys, elle décide d’arrêter les frais et de retourner définitivement à Troyes…
Bien plus productifs sont, en revanche, les initiatives qu’ont monté des généralistes de Mayenne, de l’Orne ou de Picardie. « Parce que nous avons réussi à mobiliser les énergies de l’ensemble des acteurs concernés », témoignent-ils à l’unisson. Organisation en pôles de santé, en territoires médicaux, recours aux collaborateurs libéraux ou à des remplaçants permanents, ces débuts de réponses à la pénurie de médecins dans les campagnes donnent des résultats. Des modes d’organisation qui, de l’avis unanime de ces précurseurs, préfigurent le tournant de l’exercice de la médecine générale de demain en milieu rural. A une double condition cependant. Qu’il ne se fasse pas sous la contrainte. Et qu’il s’articule autour de projets avant tout médicaux et non politiques.