Après la polémique, voici l’heure du choix personnel.
Ni les syndicats de médecins libéraux, ni le Conseil de l’Ordre n’en veulent. Pourtant, depuis mi-mai, les Cpam ont commencé à envoyer des courriers aux généralistes pour leur proposer de signer avec elles un engagement d’un nouveau type : le « contrat d’amélioration des pratiques individuelles » (CAPI) qui signe l’apparition de la rémunération à la performance dans le paysage médical français. Si les syndicats font la moue, c’est avant tout pour des raisons politiques : le CAPI se situe en dehors du cadre conventionnel. L’assurance-maladie, qui n’a pas réussi à convaincre ses partenaires, s’est donc passée de leur signature comme la loi le lui permet.
Les syndicats craignent également que cette prime vienne se substituer à la revalorisation du C. Sur le fond, MG France estime que « proposer une prime aux résultats est insuffisant et relève de la méconnaissance du travail du médecin généraliste ».
La FMF a relevé « le conflit d’intérêt qui pourra naître entre patient et médecin rémunéré personnellement à la performance ». La CSMF appelle au boycott jugeant que « ce dispositif est un véritable piège pour la profession en général et pour
le médecin en particulier qui se re-trouve seul à la merci des caisses ». Pour sa part, l’industrie pharma-ceutique déplore le volet « effi-cience ». « Avec les CAPI, nous ne sommes pas dans une véritable évaluation médico-économique. Les CAPI consistent à payer le médecin pour lui faire tourner le dos à
l’innovation thérapeutique », estime Christian Lajoux, président du Leem.
Les menaces de l’Ordre
Mais l’ennemi le plus farouche, et sans doute le plus dangereux pour l’assurance- maladie, demeure le Conseil de l’Ordre qui a exprimé fin 2008 des « réserves » qui se sont muées en une franche « opposition » au début de l’année. « Plusieurs éléments du contrat sont contraires à la déontologie », explique le Dr André Deseur, conseiller national de l’Ordre et médecin généraliste. « Si le CAPI était uniquement centré sur la qualité des soins, nous n’aurions que pu être d’accord, explique-t-il. Mais on ne cherche qu’à limiter les dépenses des gros prescripteurs ». Sur la forme, le Cnom déplore que le CAPI ne fasse pas partie du champ conventionnel et qu’il ne soit pas accessible à tous les médecins généralistes. Il faut effectivement un seuil minimal de patients « médecin traitant » pour pouvoir y prétendre. Pour le Cnom, il ne s’agit pas d’un point de détail. « C’est inique et discriminatoire pour les patients, d’autant qu’il n’est prévu aucune obligation de transparence dans le contrat » assène le Dr André Deseur.
Pour être sûr de se faire entendre, le Cnom n’hésite pas à user d’une arme de dissuasion massive : « Les médecins doivent transmettre, avant de signer, le contrat à leur Cdom qui fera ses remarques. Si le contrat devait être réalisé, le médecin s’expose à des poursuites disciplinaires ». L’assurance-maladie entend reprendre langue rapidement avec le Cnom pour dénouer ce problème délicat. Elle peut néanmoins se prévaloir du soutien du ministère de la Santé, de Bercy et également du directeur général de la Santé. Et, bien sûr, du fait que les CAPI sont inscrits dans la loi (legeneraliste.fr).
Enjeu crucial pour la Sécu
D’habitude peu disert, le directeur de l’assurance-maladie n’hésite plus, depuis quelques mois, à multiplier les interventions pour défendre « son » CAPI. Pour le patron de la Cnamts, qui a accordé un entretien au Généraliste (lire p.15), l’enjeu est également de défendre la légitimité de l’assurance-
maladie à jouer un rôle dans la « gestion du risque », alors que le Parlement est encore en train d’en débattre dans le projet de loi « HPST ». Les tout premiers contrats pourraient être signés avant l’été, mais l’assurance-maladie estime que la montée en charge du dispositif se fera entre septembre et décembre, comprenant que les médecins aient besoin de réfléchir avant de s’engager.
Comment s’y retrouver sereinement dans ce débat ? Pour vous aider à vous forger votre propre opinion, Le Généraliste a interrogé dix experts sur la pertinence des critères scientifiques qui constituent le CAPI. Le fait que le CAPI ait fait l’unanimité syndicale contre lui ne laisse pas forcément présager que les généralistes aient les mêmes préventions que leurs représentants. Certains trouveront probablement l’enjeu financier important (jusqu’à 7 000 euros pour 100 % d’objectifs atteints) ou le défi sanitaire excitant (un outil indéniable pour mieux suivre les patients chroniques). Encore faut-il que ce dispositif, relativement complexe, n’aboutisse pas à travailler pour le roi de Prusse. Ces questions constituent tout le charme de la nouveauté..