Dr Isabelle Defourny, Directrice des opérations de MSF

«La principale difficulté, a été lié à l’achat de masques, de blouses, de lunettes»

Publié le 06/11/2020
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Les humanitaires intervenant en Afrique ont eu peu de cas de covid à affronter, ce qui ne veut pas dire que leurs interventions n’ont pas été fortement perturbées. Le témoignage de la directrice des opérations de Médecins sans frontières (MSF).

Crédit photo : MSF

Le Quotidien : Comment l’épidémie a-t-elle impacté les opérations de MSF en Afrique ?

Dr Isabelle Defourny : Nous avons réussi à nous adapter, mais cela a été beaucoup de travail. Il nous fallait à la fois maintenir nos activités de soins, protéger notre staff, et préparer la réponse covid. Nous avons de manière générale réussi à garder nos consultations et nos hospitalisations ouvertes, en espaçant les lits, en aménageant les horaires, en mettant en place des triages… Dans certains pays, par ailleurs, nous avons vu une augmentation des hospitalisations dans nos structures, car plusieurs autres hôpitaux avaient fermé.

Vous n’avez pas eu de projet spécifique lié au covid ?

Nous nous sommes préparés partout, en travaillant avec les différents ministères de la Santé. Partout, la principale question était de savoir comment avoir de l’oxygène à disposition. Il fallait faire refonctionner de l’oxygène mural, en importer ou en acheter localement… Mais cela a finalement été très peu utilisé car en Afrique, nous avons eu très peu de cas.

Quelles ont été les principaux coûts engendrés par la crise ?

Le premier coût, et la principale difficulté, a été lié à l’achat de masques, de blouses, de lunettes… Pour nous comme pour tout le monde, leurs prix ont flambé, tout comme ceux de certains médicaments. Sur un budget global d’1,5 milliard d’euros, nous estimons que nous avons dépensé 150 millions d’euros sur le covid. Mais cela a été contrebalancé par de moindres dépenses, notamment sur les déplacements de notre staff. D’autre part, il y a toute une série d’activités qui ne sont pas des activités de soins essentiels ou de prise en charge de patients aigus que nous avons pu reporter, ce qui a également réduit les coûts.

Que faudrait-il faire si une nouvelle vague, ou une première véritable vague, frappait le continent ?

Nous travaillons à avoir un meilleur accès au diagnostic, pour affiner notre préparation, mais aussi pour dépister au plus tôt les membres de notre staff qui présenteraient des symptômes. Nous avons également partout maintenu un bon niveau de protection du personnel, notamment via l’accès aux masques. Mais le point le plus difficile, que nous avons jusqu’ici peu fait, c’est être capable d’investiguer de façon plus rapide des augmentations de décès dans la communauté, de façon à être plus réactifs.

Vous préparez-vous à d’importantes conséquences indirectes de la crise ?

Pour l’instant, nous ne voyons pas de telles conséquences, comme par exemple une crise nutritionnelle ou des épidémies qui seraient dues aux difficultés économiques. Mais nous nous y préparons, sachant notamment que beaucoup de pays ont eu du mal à vacciner. Nous sommes donc assez vigilants : c’est notre boulot habituel. 

Propos recueillis par AR

Source : Le Quotidien du médecin