La Constitution sur la sellette

Publié le 08/04/2022
Article réservé aux abonnés
La Constitution de la Ve République prévoit l’empêchement du président de la République sans évoquer explicitement la question de sa santé. Les candidats sont partagés entre ceux qui la jugent suffisamment précise et ceux qui envisagent de la modifier.

Quatre lignes pour régler le problème : « En cas de vacance de la présidence de la République (...), ou d’empêchement constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le gouvernement statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du président sont provisoirement exercées par le président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché d’exercer ses fonctions, par le gouvernement. » Ainsi le 4e alinéa de l’article 7 de la Constitution. Une disposition qui, en 63 ans, n’aura été appliquée qu’en deux occasions : en 1969, après la démission de De Gaulle, et en 1974, à la mort de Pompidou. Dans ces deux cas, le gouvernement a fait constater la vacance du pouvoir suprême. Mais il s’en est abstenu pendant la maladie de Georges Pompidou comme pendant celle de François Mitterrand, ou à la suite de l’AVC de Jacques Chirac.

Certains candidats s’en émeuvent et déclarent au « Quotidien » qu’il faudrait revoir la Constitution. C’est le cas de Nicolas Dupont-Aignan qui, tout en jugeant l’article 7 « suffisamment précis », propose que « la saisie du Conseil constitutionnel en vue de l’empêchement pour raison de santé pourra être également mise en place par les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, si le rapport de santé biannuel concluait à une incompatibilité manifeste avec l’exercice de la fonction présidentielle. »

« Nous devons éviter la situation dans laquelle le gouvernement et la majorité parlementaire feraient obstacle au remplacement du chef de l’État, alors que celui-ci ne serait plus en état d’exercer ses fonctions, estime Yannick Jadot. Je proposerai donc que la saisie du Conseil constitutionnel aux fins de constatation de l’empêchement du président puisse être également effectuée par 60 députés ou sénateurs, comme pour l’examen de la constitutionnalité des lois. »

Fabien Roussel se déclare « personnellement favorable à ce que les bureaux des deux assemblées, plus hautes autorités collégiales du Parlement, puissent se voir automatiquement saisis d’un problème de vacance de la présidence et qu’ils aient le pouvoir de saisir à leur tour le Conseil constitutionnel afin que celui-ci statue sur la nécessité d’activer les dispositifs de la Loi fondamentale permettant de déclarer l’empêchement du premier personnage de l’État. »

Les candidats pas sur la même longueur d'onde

Cinq autres candidats se déclarent en revanche partisans statu quo. Pour Valérie Pécresse, « la Constitution est un texte fixant un cadre général de fonctionnement des institutions de la République, elle n’est pas là pour prévoir dans le détail les multiples situations envisageables. En cela, la notion d’empêchement prévue par l'article 7 alinéa 4 de notre Constitution couvre différentes éventualités et me paraît efficace tout comme le dispositif de constat par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement. Surtout, la réalité de l’exercice politique en 2022 est radicalement différente de celle du président Pompidou ou du président Mitterrand car l’exposition médiatique bien plus permanente et immédiate des hommes et des femmes politiques impose de fait une transparence beaucoup plus grande. Je n’ai donc pas d’inquiétude sur le fait qu’une situation d’invalidité ne demeurerait pas longtemps dissimulable et entraînerait de manière plus automatique la mise en œuvre du dispositif d’empêchement. »

Emmanuel Macron* abonde dans le même sens : « Le débat n’est pas nouveau. D’un côté, les partisans d’un contrôle médical régulier avec obligation de transmettre au président du Conseil constitutionnel en cas de détection d’un problème grave susceptible de l’empêcher d’exercer son mandat dans de bonnes conditions. De l’autre, ceux qui considèrent que les institutions savent s’adapter et qu’il ne peut revenir à un médecin de décider qui peut ou ne peut pas présider la France. Faut-il aller jusqu'à réformer notre Constitution pour cela ? Je ne le pense pas, » estimait alors le président.

Ni Anne Hidalgo, ni Marine Le Pen, ni Éric Zemmour ne voient davantage la nécessité de revoir la Constitution. « Elle est suffisamment précise sur l’empêchement médical du président, assure ce dernier. Le gouvernement est en relation directe et quotidienne avec le chef de l’État et peut rester vigilant quant à sa santé. De même Marine Le Pen « ne voit pas la nécessité de revoir la Constitution sur ce sujet ».

À l’opposé, trois candidats inscrivent la question de la transparence sur la santé du président dans une révision constitutionnelle plus globale : « La focalisation sur la santé du président est surtout un symptôme de la concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme sous la Ve République », juge Jean-Luc Mélenchon*. Dans la VIe République que je défends, la fin de la monarchie présidentielle et la primauté de l’Assemblée nationale rendront moins centrale la question de la santé du président de la République. » Même position chez Philippe Poutou* : « Le vrai problème, c’est la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un seul. C’est cela qu’il faut changer. » L’autre candidate de l’extrême-gauche, Nathalie Arthaud, ne nous dit pas autre chose : « Ce qui nous préoccupe, c’est la santé de la population. Les présidents, garants du fonctionnement de l’État au service des plus puissants, continueront à se succéder. Quels que soient leurs états de santé. »

Plus circonspect, le candidat Lassalle botte en touche : « Je pense que c’est un sujet qui devrait pouvoir être débattu par les citoyens et par conséquent une modification de la Constitution sur cette question devrait être soumise au référendum d’initiative citoyenne. »

 

* Les engagements et commentaires de Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou et Emmanuel Macron ont été formulés lors de leur campagne de 2017. L'entourage de ce dernier précise que ses réponses de 2017 demeurent valables aujourd'hui.

Ch. D.

Source : Le Quotidien du médecin