L’union fait la force ; les principaux concernés par la phase de consolidation du DES de médecine générale – la fameuse « 4A » – l’ont bien compris. Internes, syndicats médicaux, généralistes enseignants ou encore centres de santé* unissent leurs voix pour interpeller directement Sébastien Lecornu sur ce dossier chaud, à défaut de nouveau ministre de la Santé connu…
« Vous avez désormais la responsabilité d’entendre nos propositions et d’y répondre sans délai. La réussite de la réforme dépendra de votre capacité à agir », écrivent-ils au Premier ministre, affirmant être prêts à travailler avec lui « pour que cette réforme devienne une chance et non pas un rendez-vous manqué ». Mais ils mettent surtout en garde le locataire de Matignon : « Si aucune décision claire n’est prise dès maintenant, la réforme échouera avant même d’avoir vu le jour. Vous porterez alors la responsabilité de cet échec et du report ». Voilà Sébastien Lecornu prévenu.
Ni clarté, ni stabilité
Souhaitant une « formation de qualité pour les futurs médecins généralistes », cet aréopage d’acteurs syndicaux, étudiants, académiques et scientifiques affirment refuser « le modèle inadapté » de rémunération présenté le 17 septembre, lors du comité de suivi de la réforme. « Le système de rémunération actuellement envisagé ne garantit à aucun des acteurs de cette année supplémentaire la clarté, la stabilité et la sécurité indispensables à la réussite de cette réforme », ajoutent-ils.
La dernière piste privilégiée par les pouvoirs publics (mi-septembre) consistait à ce que le docteur junior en consultation fasse du tiers payant automatique sur la partie d’assurance-maladie obligatoire (AMO) et fasse payer la part complémentaire (AMC) aux patients, laquelle serait une « avance sur salaire ». La caisse primaire enverrait un récapitulatif mensuel de ces sommes au CHU de rattachement de l’interne, ainsi que l’argent généré par le docteur junior sur la partie AMO. Ensuite, le CHU serait chargé de reverser le montant dû au docteur junior, sous forme de complément de salaire, avec un décalage de deux mois de l’ajustement. Une tuyauterie jugée par la profession d’une effroyable complexité…
Chaque mois, le docteur junior est en effet censé toucher une part fixe (socle) de 2 375 euros, une prime d’autonomie supervisée de 417 euros et une prime de 1 000 euros s’il exerce en zone d’intervention prioritaire (Zip), auquel s’ajoute la permanence des soins (valorisée à 1 560 euros par mois en moyenne). Enfin, une part incitative semestrielle de 500 euros est conditionnée à la réalisation de plus de 200 consultations mensuelles.
Problème : selon le nombre de consultations réalisées par l’interne en « 4A », le CHU pourrait lui donner davantage d’argent… ou lui en réclamer. Une « usine à gaz pour les internes », lâche le Pr Olivier Saint-Lary, président réélu du Collège national des généralistes enseignants (CNGE).
Reverser l’AMC au MSU
C’est pourquoi, le 24 septembre, le comité de suivi (syndicats, enseignants, internes, etc.) a fait une contre-proposition « réaliste » devant la DGOS (ministère de la Santé) et la Cnam. L’idée serait cette fois que la part complémentaire (AMC) soit encaissée par le docteur junior mais au nom du médecin maître de stage (MSU). Concrètement, explique le Pr Saint-Lary, « lorsqu’un docteur junior verra un patient, la partie obligatoire de 21 euros sera payée en tiers payant et les 9 euros qui restent seront encaissés par le docteur junior, sur le compte professionnel du maître de stage », à qui est versée cette somme. Avantages : une gestion simplifiée, moins de travail de comptabilité pour les CHU, une valorisation du travail d’encadrement des MSU…
Mais cette proposition alternative n’a pas convaincu cette fois la Cnam et la DGOS, argumentant que la rémunération des MSU est (elle aussi) régie par un arrêté existant… qu’il faudrait modifier. Ce qui nécessite un nouvel arbitrage ministériel. Pour les MSU, à ce stade, la rémunération est répartie en une part socle (compensation des charges du cabinet : 1 200 euros + prime pédagogique : 600 euros) et une part variable : prime ZIP, ZAC et QPV de 800 euros + prime supervision en PDSA de 400 euros.
Que décidera Sébastien Lecornu ? « Pour la première fois, la profession est unanime pour se prononcer contre le montage financier envisagé, infaisable, que ce soit d’un point de vue législatif ou de la responsabilité professionnelle, martèle la présidente du Syndicat des internes de médecine générale (Isnar-IMG), Atika Bokhari. Ce que nous proposons n’est pas la meilleure option, mais, dans ce cas d’urgence, il s’agit de notre ultime proposition. »
* Signataires : Collège national des généralistes enseignants (CNGE), Collège de la médecine générale (CMG), Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg), Intersyndicale nationale des internes (Isni), Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), Association nationale des étudiants de médecine de France (Anemf), Regroupement autonome des généralistes jeunes installés & remplaçants (Reagjir), AvecSanté, Fédération nationale des centres de santé (FNCS), Union syndicale des professionnels des centres de santé (USPCS), Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), MG France, Fédération des médecins de France section généralistes (FMF-Gé) et FMC Action.
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