Quatrième année de médecine générale : « les maîtres de stage ont besoin d’être fixés ! », s’impatiente le Pr Olivier Saint-Lary (CNGE)

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Publié le 03/02/2025
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Face au retard pris dans la publication des textes relatifs à l’organisation de la 4e année d’internat de médecine générale, le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), insiste avec gravité sur l’urgence de clarifier les modalités de la maîtrise de stage afin de recruter suffisamment de MSU d’ici à novembre 2026.

Pr Olivier Saint-Lary, médecin généraliste et président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE)

Pr Olivier Saint-Lary, médecin généraliste et président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE)
Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a promis la publication des textes réglementaires encadrant la 4e année de médecine générale d’ici à avril-mai. Cela vous soulage-t-il ?

Pr OLIVIER SAINT-LARY : Non, ce calendrier ne nous a pas du tout soulagés. Le fait qu’il y ait eu des ébauches d’annonces il y a une semaine est une bonne chose car cela signifie que le sujet est acté et intégré à l’agenda politique. En revanche, une publication des textes en avril-mai nous paraît tardive. L’attente n’est pas une option.

Nous espérons que ce sera une question de semaines plutôt que de mois. On en a besoin bien plus tôt ! À moins d’un remaniement ou d’une censure qui viendrait compliquer encore la situation, le gouvernement actuel dispose déjà des rapports et des différents scénarios. Les services ont normalement préparé les textes, et si le choix politique est acté, il n’y a pas de raison d’attendre si longtemps. J’espère vraiment que cela ira beaucoup plus vite.

L’objectif du gouvernement est d’atteindre 15 000 maîtres de stage des universités (MSU) d’ici à novembre 2026. Cet objectif vous semble-t-il atteignable ?

Oui, l’objectif semble atteignable. L’énergie mise sur la préparation de cette réforme est considérable. On a réuni tous les directeurs de DMG [départements universitaires de médecine générale] et les référents de phase de consolidation hier, et tous sont pleinement impliqués dans la préparation de cette réforme.

Au 1er janvier 2024, on comptait déjà 13 800 MSU, soit une progression de plus de 1 500 en un an, ce qui est très encourageant. Bien sûr, il y a des difficultés, notamment sur le volet réglementaire, qui a pris du retard, mais ce retard n'est la faute de personne, sauf de l’instabilité politique.

J’insiste : il ne faut pas que ce retard nous fasse passer pour une profession où rien ne bouge. Au contraire, il faut saluer la dynamique en cours : aucune profession n’a un quart de ses membres déjà investis dans l’enseignement comme les médecins généralistes maîtres de stage.

“Il faut que le modèle économique couvre ces frais sans que ce soit une perte

Concernant l’inquiétude des étudiants, nous les comprenons mais il faut interpréter avec prudence les chiffres issus d’enquêtes locales qui circulent, car elles varient selon les subdivisions et beaucoup de maîtres de stage potentiels attendent encore des précisions sur le cadre réglementaire avant de se positionner. Dès que ces éléments seront clairs, on pourra mesurer le potentiel réel de recrutement.

Comment rendre le statut de MSU attractif et recruter suffisamment de candidats ? Qu’attendez-vous du gouvernement ?

L’enjeu est évidemment de rassurer le maître de stage sur l’investissement pédagogique et de le mettre en rapport avec le niveau de responsabilité qu’il aura. Les MSU vont devoir fournir des locaux, un secrétariat, un logiciel métier, ce qui a un coût. Il faut que le modèle économique couvre ces frais sans que ce soit une perte. Et il faut qu’une indemnité pédagogique soit incluse.

Dans les prochaines semaines, nous allons remettre au gouvernement un deuxième rapport qui proposera différentes solutions. Les cabinets ministériels sont en train d'arbitrer. L'enjeu est aussi la tenue du calendrier. Les textes réglementaires devront permettre aux acteurs de se projeter concrètement dans l’accueil des futurs docteurs juniors avec un modèle économique viable. Les maîtres de stage ont besoin d’être fixés !

“Reporter, c’est prendre le risque de démobiliser les acteurs universitaires

Faut-il tout de même envisager un report de la réforme, comme le réclament les internes de l’Isnar-IMG ?

Nous allons tout faire pour ne pas se placer dans cette hypothèse. C’est compliqué d’être dans une dynamique de recrutement très active, de solliciter les acteurs jour et nuit et, en même temps, de dire que ça ne va peut-être pas se faire ! Je comprends l’inquiétude des étudiants mais un report reviendrait à mettre les problèmes sous le tapis et on retrouvera les mêmes blocages dans un an.

Bis repetita. Il vaut mieux en faire un sujet dès maintenant, mobiliser tout le monde et avancer avec une deadline claire. Reporter, c’est prendre le risque de démobiliser les acteurs universitaires et de reléguer cette réforme au second plan, notamment au niveau ministériel.

Yannick Neuder a évoqué la possibilité d’ouvrir de nouveaux terrains de stage en PMI ou en Ehpad. Y êtes-vous favorable ?

Oui, cette proposition a été formulée dans le premier rapport sur la 4e année auquel j’ai participé. L’objectif est de faciliter l’insertion territoriale des docteurs juniors et de les amener à interagir avec tout l’écosystème autour de leur activité de soins. Le rapport prévoit trois journées d’activités de soins, mais aussi une quatrième journée dédiée à l’insertion territoriale, qui peut inclure du travail en lien avec la CPTS, la PMI, l’Ehpad, ainsi que des soins dans ces structures.

Cette ouverture des terrains de stages est vraiment conçue pour favoriser l’intégration des docteurs juniors de médecine générale dans un environnement avec des acteurs divers, avec lesquels ils puissent travailler au cours de cette année. Donc oui, c’est une mesure bien identifiée et même promue.

En ce qui concerne l'encadrement des thèses, le premier rapport sur la 4A préconisait d'indemniser les formations des MSU. Est-ce que vous avez discuté de cette mesure avec le gouvernement ?

Tout le monde s’accorde sur l’importance de cette mesure mais le problème reste économique. Un maître de stage doit interrompre ses activités de soin pour se former, ce qui a un coût. Les discussions ont montré que cela ne relèverait pas de la même enveloppe, mais pour l’instant, il n’y a pas de réponse claire sur le financement de cette formation.

Cela reste un enjeu majeur car il faudra de toute façon augmenter le nombre de directeurs de thèse formés. En ce qui concerne la soutenance de thèse, il semblerait que le ministre ait tranché en faveur d’une dérogation pour les trois premières promotions d’internes. Cela leur permettrait de soutenir leur thèse durant l'année de docteur junior et non pas à la fin de la phase d’approfondissement [en fin de troisième année, NDLR]. Actuellement, il y a un retard de plus de 4 000 internes non thésés après trois ans dans les promotions précédentes, donc une dérogation est indispensable pour ne pas créer d’embouteillage.

Propos recueillis par Aude Frapin

Source : lequotidiendumedecin.fr